Les idées de ce texte ont été présentées lors de la conférence TedX à l’École polytechnique le 3 mai 2018.
La vidéo de cette conférence est disponible sur TV 2100.
Les siècles de l’éveil
L’hypothèse de nos recherches est que, si la société crée la technique et l’accepte (processus d’innovation), en retour la technique transforme la société selon des modalités qui n’étaient pas prévues au départ. La société se comporte un peu comme un fluide qui prend la forme du récipient (la technique et les conditions naturelles) qui le contient. Voici un exemple d’analyse de très long terme.
En remontant l’histoire, il semblerait qu’environ tous les 9 siècles apparaisse un éveil collectif de la conscience.
La dernière période de réchauffement climatique se situe vers -12000. Le Sahara était une savane où paissaient des antilopes, représentées dans les fresques du Tassili. Il se désertifie. À cette époque (-12000 à -10000), apparaît la domestication des caprins, des ovins et des bovins, d’où une société de villages autonomes vivant de l’agriculture et de l’élevage de proximité.
On sait maintenant qu’une partie des semences de l’Egypte pharaonique viennent du Sahara. On imagine alors que l’extraordinaire civilisation de l’Égypte ancienne aurait été construite au départ par de rudes migrants venant soit de l’ouest (le Sahara) soit du Sud (le Soudan et le lac Victoria). Par ses immenses monuments, l’Égypte pharaonique témoigne de sa capacité à surmonter à la fois l’aridité saharienne et l’inondation des crues du Nil.
Un deuxième moment de transformation se situerait vers -3300. C’est la domestication du cheval puis celle du chameau, d’où la possibilité de transporter des marchandises par caravanes, d’où le commerce, la construction des villes, notamment mésopotamiennes, qui sont d’abord des places de marché, les batailles et les pillages dans lesquels les cavaliers jouent un rôle central. Les caravanes se déplacent de ville en ville, entre la méditerranée et l’Inde, puis sans doute au-delà en Asie centrale et jusqu’en Chine, le long des itinéraires qu’on appellera plus tard les « routes de la soie ».
C’est 9 siècles plus tard, vers -2400, qu’apparaît l’épopée de Gilgamesh, dans la ville d’Uruk, près de l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate dans le golfe persique. Ce texte, seulement déchiffré au 19ème siècle, raconte que Gilgamesh, puissant roi d’Uruk, entend parler d’un homme des bois à la force extraordinaire, Enkidu. Il le fait venir ; ils se battent jusqu’à épuisement et deviennent des amis inséparables. Puis Ils se livrent ensemble à des exploits fantastiques. Mais Enkidu meurt. Gilgamesh est inconsolable. Il va trouver le vieux sage Utanapisti et lui demande comment obtenir la vie sans fin, l’immortalité. Utanapisti répond : « Construis une arche et emmène sur cette arche un couple de tous les animaux ; ainsi tu pourras résister au déluge… ». Ce récit a été répété pendant plus d’un millénaire (la version ninivite date de -1100), puis retranscrit déformé dans la Bible, mais sa signification profonde a été oubliée. En effet, Utanapisti répond implicitement : « Ce n’est pas ton immortalité personnelle qui importe, c’est celle de la nature et des animaux. » Il fait donc une réponse d‘écologiste : l’homme doit se mettre au service de la nature. Ajoutons un détail : les archéologues ont trouvé des couches de sédiment qui semblent accréditer l’idée qu’il y ait eu, en effet, un ou plusieurs déluges dans la région. Enfin, rappelons que la ville d’Uruk était dédiée, non à un Dieu, mais à une déesse de l’amour et du plaisir, Ishtar, appelée aussi Inanna dans la haute Mésopotamie, ce qui nous a légué le prénom Anne (la grand-mère du Christ).
Transportons-nous 9 siècles plus tard, vers -1500. Refusant la complexité des cultes imposés par les prêtres de Thèbes, le pharaon Amenophis IV change son nom en Akenaton (ce qui signifie serviteur d’Aton, le soleil) et affirme, les bas-reliefs le montrent, que toute vie procède du rayonnement solaire. L’Égypte considérait déjà le soleil comme une divinité. Avec Akenaton, il devient un Dieu unique : l’invention du monothéisme, comme le remarque Freud, viendrait donc de ce constat que l’énergie solaire donne vie à tous les êtres. Ce principe sera repris plus tard par Zoroastre (Zarathustra), dans sa religion appelée le Mazdéisme. Le soleil y est désigné comme Ahura Mazda, et de lui émanent deux entités : Ormuzd, la lumière et la vie, et Ahriman, l’ombre et la décomposition. En termes contemporains, on préférerait sans doute parler d’entropie (la décomposition) et de néguentropie (l’ordre du vivant). Le Mazdéisme est encore présent de nos jours, notamment en Inde chez les Parsis. Pour ce qui est de l’Iran et des autres pays le long de la route de la soie, il a été balayé par la conquête islamique.
Venons-en au « grand siècle » de la philosophie, 9 siècles après Akenaton, le 6ème siècle avant JC. À cette époque vivaient Lao-Tseu et Confucius en Chine, Bouddha en Inde et les présocratiques (Héraclite, Parménide, Pythagore, Thalès) sur la côte est de la mer Egée (actuellement côté turc). Il est possible que ce soit aussi le siècle où fut écrite la Torah. La route est-ouest de la soie, prolongée par le commerce maritime des phéniciens, fonctionnait déjà à plein et les marchands ne manquaient pas d’imagination pour parer leurs produits de qualités mythiques voire surnaturelles. En réaction, la philosophie réaffirme le doute. Comme dit le poème de Parménide, il faut savoir « distinguer ce qui est de ce qui n’est pas », implicitement : arrêtons de nous laisser berner par les discours des marchands… Je n’insiste pas davantage sur les acquis de ce grand siècle, qui sont encore présents de nos jours, à la fois sous forme religieuse (le bouddhisme), comme règle comportementale (Confucius) et comme discipline académique (la philosophie).
9 siècles plus tard, au 3ème siècle après JC, apparaît une nouvelle période d’éveil. D’un côté le mouvement gnostique, né autour de la grande bibliothèque d’Alexandrie, affirme la nécessité d’une transformation personnelle au moyen de l’étude, de la méditation et d’exercices divers (on retrouve l’inspiration du yoga) pour accéder à la Connaissance. C’est évidemment un point essentiel : Il ne suffit pas de répéter des rituels ; l’individu peut et même doit progresser de son propre mouvement vers la connaissance. Et aussi le prophète Mani, un peintre au talent légendaire, inspiré par le Christ, affirme que toutes les religions disent la même chose, chacune avec des mots différents ; c’était intolérable aux institutions cléricales. Il a fini supplicié sur ordre des prêtres zoroastriens et le terme « manichéen » a, encore de nos jours, une connotation négative, témoin de l’acharnement des institutions. La gnose de Mani influencera fortement Saint Augustin à ses débuts, avant qu’il se mette au service de l’Église. Elle sera aussi à l’origine de Bogomiles de Bulgarie, des Pauliciens, puis des Cathares dans le sud de la France. Du côté oriental, les Ouigours seront disciples de Mani pendant plusieurs siècles.
9 siècles plus tard, au 12ème siècle, se produit en Europe, notamment dans le sud de l’Espagne et au nord du Maghreb une conjonction rare. Les trois monothéismes vivent ensemble une même recherche. Le soufisme pour l’Islâm (Ibn Arabi, Averroès, Rûmi en Anatolie) le Talmud et la Kabbale pour les juifs (Maïmonide…) et une transformation profonde du monachisme chrétien par Saint Bernard et les cisterciens. Les premières universités sont fondées (Bologne, Oxford et la Sorbonne à Paris). C’est à la fois une éclosion de la logique par les joutes verbales où s’illustraient des personnages comme Abélard et, au siècle suivant, Saint Thomas avec sa « somme théologique ».
Dans son livre publié en 2017, Pierre Musso, au terme d’un travail de plusieurs années abondamment documenté, conclut que le monde a adopté une nouvelle religion, qu’il appelle la religion industrielle. Cette adoption s’est faite très progressivement. On en observe les premiers signes dès ce 12ème siècle dans l’organisation des monastères, cisterciens notamment. Sa doctrine est formulée au 17ème par Francis Bacon, puis l’encyclopédie de Diderot tient lieu de texte sacré et la posture philosophique de cette religion industrielle est explicitée par Saint Simon et Auguste Comte au 19ème siècle. L’apport de Musso est la démonstration que ce qu’on appelle d’habitude « matérialisme » est en fait une religion qui s’est installée progressivement.
D’autre part, Heinz Wismann, lors de la semaine Sciences de la vie, sciences de l’information à Cerisy en 2016, apporta une information décisive qui confirme la nature religieuse de cette transformation : Au 12ème siècle, en Angleterre, les nobles veulent renégocier les contrats qui les liaient aux abbayes de Winchester et Lancaster sous prétexte que leur évèque est mort. « Comment assurer la permanence ? », telle est la question que se pose alors le Vatican. La réponse, qui va structurer notre civilisation, est la notion de fonction, en latin dignitas, et la formule énoncée par le Vatican est Dignitas non moritur autrement dit la fonction ne meurt pas. Wismann fait observer qu’il s’agit d’un substitut de la définition substantielle de l’être. C’est comme si l’évêque avait deux corps : un corps physique mortel, et un autre, inaltérable. Cette posture philosophique sera vite transposée à d’autres fonctions : on évoquera les deux corps du Roi et, dans le rituel religieux, on affirmera la présence du Christ dans l’hostie au terme de la transsubstantiation. C’est la corporatio Christi.
Wismann ajoute qu’il faut se demander pourquoi, après le nom, par exemple de General Motors, on trouve l’abréviation inc. C’est pour signifier incorporated, c’est-à-dire incarné, mais personne ne sait que c’est le Christ, qui est mort physiquement, mais ressuscité sous la forme de sa dignitas, l’Église, laquelle ne meurt pas. De même, la corporatio des entreprises est posée comme survivant à la mort ou à l’absence de ceux qui les ont fondées ou qui les possèdent. Ainsi, la base juridique de notre économie, la notion de personne morale, est d’essence religieuse, plus précisément chrétienne, puisque se référant au fait que le Christ est non pas réincarné, mais bien ressuscité, identique à lui-même.
Sans doute, dès le Moyen Âge, fonctionnaient des antécédents de ce que nous appelons les sociétés par actions. Par exemple, on pouvait acheter devant notaire des parts d’un Moulin de Toulouse. On les appelait des uchaus. Chacune donnait droit à utiliser une certaine part de la capacité du moulin. À la Renaissance, les grandes expéditions maritimes étaient aussi financées par des appels à participation et les résultats en étaient répartis en proportion des apports initiaux. C’étaient des projets temporaires, mais pas encore des personnes morales survivant aux acteurs.
Or, ce concept de « personne morale », est devenu planétaire. On peut d’ailleurs s’interroger sur les relations entre les personnes physiques et les personnes morales, puisque nous évoluons dans une civilisation où les personnes morales dominent et asservissent les personnes physiques, leurs employés. Même les prérogatives des États-nations, issues du traité de Westphalie (1648), qui était destiné à mettre fin aux guerres de religion entre catholiques et protestants, sont actuellement remises en cause au nom des intérêts des personnes morales multinationales.
J’observe aussi que, après avoir pris possession des installations productrices, les personnes morales partent à l’assaut du langage, en « déposant » marques, logos et copyrights. En témoigne aussi par exemple le récent conflit que nous a signalé Dominique Lacroix, né à l’occasion de l’attribution des nouveaux nom de domaines de premier niveau (top level domains) sur l’Internet entre la société de vente en ligne Amazon et quelques États, dont le Brésil, qui manifestaient leur désaccord à ce que la propriété du domaine .amazon soit accordée à cette société, au motif que le nom Amazon désigne un grand fleuve brésilien non appropriable et connu de la planète entière.
Nous sommes donc face à une évolution subreptice où tout, même le vocabulaire, est en train d’être capturé par les « personnes morales », sans que, ni les personnes physiques, ni même le sens des mots ait été sauvegardé.
Mais quelle est donc cette religion qui ne dit pas son nom ? et que reste-t-il aux personnes physiques, les humains (et les animaux ?) une fois que les personnes morales ont capturé tous les droits ?
Chacune des évolutions ci-dessus contient des enseignements précieux et d’une actualité surprenante. Même le texte le plus lointain, l’épopée de Gilgamesh, nous rappelle le risque de catastrophe (aujourd’hui le changement climatique) et l’impératif de servir la nature (le « jardin planétaire »).
Ces évolutions extraordinaires se produisent, semble-t-il, à peu près tous les 9 siècles :
– 33ème siècle av. J.-C. : les villes et les routes commerciales
– 24ème av. J.-C. : l’épopée de Gilgamesh : protéger et même sauver la nature
– 15ème av. J.-C. : Akenaton : l’énergie solaire, source de la vie, monothéisme solaire.
– 6ème av. J.-C. : Bouddha, Lao Tseu, la philosophie grecque : tout procède du Logos.
– 3ème ap. J.-C. : Mani et la gnose : nécessité d’une démarche personnelle. Unité des religions.
– 12ème ap. J.-C. : Al Andaluz, fondation des premières universités : l’échange par la parole et le début de la « religion industrielle »
– 21ème siècle, aujourd’hui : conscience planétaire du vivant, circulant par l’internet : le retour de Gilgamesh ?
On trouvera sans doute surprenant que ni Jésus, ni Mahomet ne figurent dans ces dates. En fait, les destinées individuelles, quelle que soit l’importance qu’on leur accorde, sont d’une autre nature. Nous observons des périodes d’éveil collectif. Le christianisme existe comme mouvement collectif lorsque l’Église se structure à partir des 2-3ème siècles. Et l’Islâm, d’abord propagé par la guerre, ne devient porteur de culture et de recherche qu’après un ou deux siècles.
Ainsi, il semblerait que, tous les 9 siècles, l’esprit humain se réveille et s’active à débattre de questions fondamentales touchant à la vie, la mort, la relation avec la nature, la nature de la connaissance et ses modes d’expression, le rôle de l’espèce humaine sur terre et dans l’univers. Il est utile de faire ce constat car, dans notre 21ème siècle, ces questions sont d’actualité (pour mémoire 12+9=21…).
D’où notre conclusion : le 21ème siècle promet d’être, lui aussi, un grand siècle de l’Esprit.
Prospective
Donc, si l’ampleur de la mutation du 21ème siècle est du même ordre de grandeur que celles des autres « siècles de l’esprit » qui l’ont précédée, les prospectives usuelles sous estiment complètement la transformation en cours. La civilisation qui nous attend fonctionnera sur d’autres bases que celles que nous avons connues. En particulier, ce qui, au 20ème siècle, constituaient les signes du succès : la fortune, le pouvoir, l’autorité, la force, laisseront place à d’autres critères, sans doute plus proches de la connaissance, de la tempérance, de la modération et des services rendus à la vie.
Quelques hypothèses : on peut dès à présent esquisser deux transformations majeures qui devraient bouleverser non seulement l’organisation des sociétés, mais, au-delà, le psychisme des humains :
– La première est la relation avec la nature. La civilisation industrielle, avec ses prolongements agricoles, maritimes et miniers, admet que le rôle des humains est d’exploiter la nature selon les « besoins » de l’espèce humaine. On sait maintenant que toutes les espèces animales qui se sont multipliées et ont exploité les ressources sans contrainte ont fini par s’effondrer. Pour que la relation avec la nature devienne durable, il sera donc nécessaire que les humains se limitent dans leurs effectifs et dans leur prédation et acceptent que leur rôle est de prendre soin des équilibres naturels, autrement dit d’être, non plus des exploitants mais des gardiens, des jardiniers de la planète.
Cet impératif rétroagit sur les croyances. L’énergie solaire, sur laquelle Akenaton puis Zarathustra avaient fondé leur conception de la divinité ne recèle plus autant de mystères qu’autrefois, car La connaissance accessible et démontrable des rayonnements s’est approfondie. Il reste toutefois une interrogation essentielle d’où pourrait émerger une autre conception de la divinité : comment se fait-il que la matière vivante se perpétue et se reproduise ? On sait qu’il s’agit d’échanges d’informations via des substances chimiques, mais une fois qu’on l’a affirmé, le mystère demeure. Et comme, pour bien des espèces dont la nôtre, tout commence dans le corps féminin, c’est le côté féminin de la divinité qui sera promu, alors que les divinités masculines, correspondant aux périodes guerrières, déclinent. Mais on pourra percevoir du divin aussi dans les animaux, les plantes et plus généralement les écosystèmes.
– La seconde est la relation à l’information et à la connaissance : Si chacun porte avec lui un terminal qui le connecte instantanément à la planète entière, aux connaissances de toutes les sciences, à tous les spectacles et à ses moyens de paiement, l’univers mental change complètement. On en voit les premiers signes dans l’importance que le public accorde aux sports, à la musique, à l’art en général, alors que les « personnes morales » de la civilisation précédente sont de plus en plus supportées avec résignation. D’autre part, on redécouvre l’Histoire, les civilisations oubliées des « peuples premiers », la diversité des langues et des traditions, la possibilité de communiquer avec des êtres différents…
Les déplacements sont moins nécessaires ; d’obligatoires, ils deviennent exploratoires. Dans ce contexte, est-il encore indispensable de s’agglutiner dans d’immenses villes ? Les gratte- ciels sont-ils nécessaires ? Si le rôle de l’Homme est de prendre soin de la nature, il est logique de l’imaginer auprès d’elle, sa population répartie en une multitude de villages terrestres ou maritimes. Si l’éducation se donne pour objectif d’apprendre à s’orienter dans l’océan d’informations, elle prépare aussi aux activités concrètes telles que l’entretien des plantes, l’élevage des animaux et le cheminement personnel vers la santé et la sagesse, l’orientation des pulsions au service de la vie. Il va de soi qu’une telle organisation suppose des études longues, couronnées par un travail personnel, tel le chef d’œuvre d’un Compagnon.
– En ce qui concerne les organisations collectives, on peut imaginer que, les échanges, même lointains, étant rendus faciles et instantanés, l’influence des États-nations que nous connaissons diminue au profit des « personnes morales » de droit privé, puis, dans un second temps, ces personnes morales, s’étant rendues insupportables, laissent place à d’autres formes d’organisation plus fluides qui restent encore largement à inventer.
Mais le point essentiel est la fin de la dictature de la monnaie, soit par la multiplication de monnaies locales, soit par la subordination de la création monétaire à des objectifs d’intérêt général : construire les infrastructures d’utilité planétaire pour l’accueil des migrants, l’approvisionnement en eau et l’assainissement, et aussi des systèmes d’observation et de communication par satellites ainsi que toutes les grandes infrastructures de recherche et de santé.
Pour passer à la civilisation cognitive, il reste du chemin à faire…
Les idées de ce texte ont été présentées lors de la conférence TedX à l’École polytechnique le 3 mai 2018.
La vidéo de cette conférence est disponible sur TV 2100.
Les siècles de l’éveil
L’hypothèse de nos recherches est que, si la société crée la technique et l’accepte (processus d’innovation), en retour la technique transforme la société selon des modalités qui n’étaient pas prévues au départ. La société se comporte un peu comme un fluide qui prend la forme du récipient (la technique et les conditions naturelles) qui le contient. Voici un exemple d’analyse de très long terme.
En remontant l’histoire, il semblerait qu’environ tous les 9 siècles apparaisse un éveil collectif de la conscience.
La dernière période de réchauffement climatique se situe vers -12000. Le Sahara était une savane où paissaient des antilopes, représentées dans les fresques du Tassili. Il se désertifie. À cette époque (-12000 à -10000), apparaît la domestication des caprins, des ovins et des bovins, d’où une société de villages autonomes vivant de l’agriculture et de l’élevage de proximité.
On sait maintenant qu’une partie des semences de l’Egypte pharaonique viennent du Sahara. On imagine alors que l’extraordinaire civilisation de l’Égypte ancienne aurait été construite au départ par de rudes migrants venant soit de l’ouest (le Sahara) soit du Sud (le Soudan et le lac Victoria). Par ses immenses monuments, l’Égypte pharaonique témoigne de sa capacité à surmonter à la fois l’aridité saharienne et l’inondation des crues du Nil.
Un deuxième moment de transformation se situerait vers -3300. C’est la domestication du cheval puis celle du chameau, d’où la possibilité de transporter des marchandises par caravanes, d’où le commerce, la construction des villes, notamment mésopotamiennes, qui sont d’abord des places de marché, les batailles et les pillages dans lesquels les cavaliers jouent un rôle central. Les caravanes se déplacent de ville en ville, entre la méditerranée et l’Inde, puis sans doute au-delà en Asie centrale et jusqu’en Chine, le long des itinéraires qu’on appellera plus tard les « routes de la soie ».
C’est 9 siècles plus tard, vers -2400, qu’apparaît l’épopée de Gilgamesh, dans la ville d’Uruk, près de l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate dans le golfe persique. Ce texte, seulement déchiffré au 19ème siècle, raconte que Gilgamesh, puissant roi d’Uruk, entend parler d’un homme des bois à la force extraordinaire, Enkidu. Il le fait venir ; ils se battent jusqu’à épuisement et deviennent des amis inséparables. Puis Ils se livrent ensemble à des exploits fantastiques. Mais Enkidu meurt. Gilgamesh est inconsolable. Il va trouver le vieux sage Utanapisti et lui demande comment obtenir la vie sans fin, l’immortalité. Utanapisti répond : « Construis une arche et emmène sur cette arche un couple de tous les animaux ; ainsi tu pourras résister au déluge… ». Ce récit a été répété pendant plus d’un millénaire (la version ninivite date de -1100), puis retranscrit déformé dans la Bible, mais sa signification profonde a été oubliée. En effet, Utanapisti répond implicitement : « Ce n’est pas ton immortalité personnelle qui importe, c’est celle de la nature et des animaux. » Il fait donc une réponse d‘écologiste : l’homme doit se mettre au service de la nature. Ajoutons un détail : les archéologues ont trouvé des couches de sédiment qui semblent accréditer l’idée qu’il y ait eu, en effet, un ou plusieurs déluges dans la région. Enfin, rappelons que la ville d’Uruk était dédiée, non à un Dieu, mais à une déesse de l’amour et du plaisir, Ishtar, appelée aussi Inanna dans la haute Mésopotamie, ce qui nous a légué le prénom Anne (la grand-mère du Christ).
Transportons-nous 9 siècles plus tard, vers -1500. Refusant la complexité des cultes imposés par les prêtres de Thèbes, le pharaon Amenophis IV change son nom en Akenaton (ce qui signifie serviteur d’Aton, le soleil) et affirme, les bas-reliefs le montrent, que toute vie procède du rayonnement solaire. L’Égypte considérait déjà le soleil comme une divinité. Avec Akenaton, il devient un Dieu unique : l’invention du monothéisme, comme le remarque Freud, viendrait donc de ce constat que l’énergie solaire donne vie à tous les êtres. Ce principe sera repris plus tard par Zoroastre (Zarathustra), dans sa religion appelée le Mazdéisme. Le soleil y est désigné comme Ahura Mazda, et de lui émanent deux entités : Ormuzd, la lumière et la vie, et Ahriman, l’ombre et la décomposition. En termes contemporains, on préférerait sans doute parler d’entropie (la décomposition) et de néguentropie (l’ordre du vivant). Le Mazdéisme est encore présent de nos jours, notamment en Inde chez les Parsis. Pour ce qui est de l’Iran et des autres pays le long de la route de la soie, il a été balayé par la conquête islamique.
Venons-en au « grand siècle » de la philosophie, 9 siècles après Akenaton, le 6ème siècle avant JC. À cette époque vivaient Lao-Tseu et Confucius en Chine, Bouddha en Inde et les présocratiques (Héraclite, Parménide, Pythagore, Thalès) sur la côte est de la mer Egée (actuellement côté turc). Il est possible que ce soit aussi le siècle où fut écrite la Torah. La route est-ouest de la soie, prolongée par le commerce maritime des phéniciens, fonctionnait déjà à plein et les marchands ne manquaient pas d’imagination pour parer leurs produits de qualités mythiques voire surnaturelles. En réaction, la philosophie réaffirme le doute. Comme dit le poème de Parménide, il faut savoir « distinguer ce qui est de ce qui n’est pas », implicitement : arrêtons de nous laisser berner par les discours des marchands… Je n’insiste pas davantage sur les acquis de ce grand siècle, qui sont encore présents de nos jours, à la fois sous forme religieuse (le bouddhisme), comme règle comportementale (Confucius) et comme discipline académique (la philosophie).
9 siècles plus tard, au 3ème siècle après JC, apparaît une nouvelle période d’éveil. D’un côté le mouvement gnostique, né autour de la grande bibliothèque d’Alexandrie, affirme la nécessité d’une transformation personnelle au moyen de l’étude, de la méditation et d’exercices divers (on retrouve l’inspiration du yoga) pour accéder à la Connaissance. C’est évidemment un point essentiel : Il ne suffit pas de répéter des rituels ; l’individu peut et même doit progresser de son propre mouvement vers la connaissance. Et aussi le prophète Mani, un peintre au talent légendaire, inspiré par le Christ, affirme que toutes les religions disent la même chose, chacune avec des mots différents ; c’était intolérable aux institutions cléricales. Il a fini supplicié sur ordre des prêtres zoroastriens et le terme « manichéen » a, encore de nos jours, une connotation négative, témoin de l’acharnement des institutions. La gnose de Mani influencera fortement Saint Augustin à ses débuts, avant qu’il se mette au service de l’Église. Elle sera aussi à l’origine de Bogomiles de Bulgarie, des Pauliciens, puis des Cathares dans le sud de la France. Du côté oriental, les Ouigours seront disciples de Mani pendant plusieurs siècles.
9 siècles plus tard, au 12ème siècle, se produit en Europe, notamment dans le sud de l’Espagne et au nord du Maghreb une conjonction rare. Les trois monothéismes vivent ensemble une même recherche. Le soufisme pour l’Islâm (Ibn Arabi, Averroès, Rûmi en Anatolie) le Talmud et la Kabbale pour les juifs (Maïmonide…) et une transformation profonde du monachisme chrétien par Saint Bernard et les cisterciens. Les premières universités sont fondées (Bologne, Oxford et la Sorbonne à Paris). C’est à la fois une éclosion de la logique par les joutes verbales où s’illustraient des personnages comme Abélard et, au siècle suivant, Saint Thomas avec sa « somme théologique ».
Dans son livre publié en 2017, Pierre Musso, au terme d’un travail de plusieurs années abondamment documenté, conclut que le monde a adopté une nouvelle religion, qu’il appelle la religion industrielle. Cette adoption s’est faite très progressivement. On en observe les premiers signes dès ce 12ème siècle dans l’organisation des monastères, cisterciens notamment. Sa doctrine est formulée au 17ème par Francis Bacon, puis l’encyclopédie de Diderot tient lieu de texte sacré et la posture philosophique de cette religion industrielle est explicitée par Saint Simon et Auguste Comte au 19ème siècle. L’apport de Musso est la démonstration que ce qu’on appelle d’habitude « matérialisme » est en fait une religion qui s’est installée progressivement.
D’autre part, Heinz Wismann, lors de la semaine Sciences de la vie, sciences de l’information à Cerisy en 2016, apporta une information décisive qui confirme la nature religieuse de cette transformation : Au 12ème siècle, en Angleterre, les nobles veulent renégocier les contrats qui les liaient aux abbayes de Winchester et Lancaster sous prétexte que leur évèque est mort. « Comment assurer la permanence ? », telle est la question que se pose alors le Vatican. La réponse, qui va structurer notre civilisation, est la notion de fonction, en latin dignitas, et la formule énoncée par le Vatican est Dignitas non moritur autrement dit la fonction ne meurt pas. Wismann fait observer qu’il s’agit d’un substitut de la définition substantielle de l’être. C’est comme si l’évêque avait deux corps : un corps physique mortel, et un autre, inaltérable. Cette posture philosophique sera vite transposée à d’autres fonctions : on évoquera les deux corps du Roi et, dans le rituel religieux, on affirmera la présence du Christ dans l’hostie au terme de la transsubstantiation. C’est la corporatio Christi.
Wismann ajoute qu’il faut se demander pourquoi, après le nom, par exemple de General Motors, on trouve l’abréviation inc. C’est pour signifier incorporated, c’est-à-dire incarné, mais personne ne sait que c’est le Christ, qui est mort physiquement, mais ressuscité sous la forme de sa dignitas, l’Église, laquelle ne meurt pas. De même, la corporatio des entreprises est posée comme survivant à la mort ou à l’absence de ceux qui les ont fondées ou qui les possèdent. Ainsi, la base juridique de notre économie, la notion de personne morale, est d’essence religieuse, plus précisément chrétienne, puisque se référant au fait que le Christ est non pas réincarné, mais bien ressuscité, identique à lui-même.
Sans doute, dès le Moyen Âge, fonctionnaient des antécédents de ce que nous appelons les sociétés par actions. Par exemple, on pouvait acheter devant notaire des parts d’un Moulin de Toulouse. On les appelait des uchaus. Chacune donnait droit à utiliser une certaine part de la capacité du moulin. À la Renaissance, les grandes expéditions maritimes étaient aussi financées par des appels à participation et les résultats en étaient répartis en proportion des apports initiaux. C’étaient des projets temporaires, mais pas encore des personnes morales survivant aux acteurs.
Or, ce concept de « personne morale », est devenu planétaire. On peut d’ailleurs s’interroger sur les relations entre les personnes physiques et les personnes morales, puisque nous évoluons dans une civilisation où les personnes morales dominent et asservissent les personnes physiques, leurs employés. Même les prérogatives des États-nations, issues du traité de Westphalie (1648), qui était destiné à mettre fin aux guerres de religion entre catholiques et protestants, sont actuellement remises en cause au nom des intérêts des personnes morales multinationales.
J’observe aussi que, après avoir pris possession des installations productrices, les personnes morales partent à l’assaut du langage, en « déposant » marques, logos et copyrights. En témoigne aussi par exemple le récent conflit que nous a signalé Dominique Lacroix, né à l’occasion de l’attribution des nouveaux nom de domaines de premier niveau (top level domains) sur l’Internet entre la société de vente en ligne Amazon et quelques États, dont le Brésil, qui manifestaient leur désaccord à ce que la propriété du domaine .amazon soit accordée à cette société, au motif que le nom Amazon désigne un grand fleuve brésilien non appropriable et connu de la planète entière.
Nous sommes donc face à une évolution subreptice où tout, même le vocabulaire, est en train d’être capturé par les « personnes morales », sans que, ni les personnes physiques, ni même le sens des mots ait été sauvegardé.
Mais quelle est donc cette religion qui ne dit pas son nom ? et que reste-t-il aux personnes physiques, les humains (et les animaux ?) une fois que les personnes morales ont capturé tous les droits ?
Chacune des évolutions ci-dessus contient des enseignements précieux et d’une actualité surprenante. Même le texte le plus lointain, l’épopée de Gilgamesh, nous rappelle le risque de catastrophe (aujourd’hui le changement climatique) et l’impératif de servir la nature (le « jardin planétaire »).
Ces évolutions extraordinaires se produisent, semble-t-il, à peu près tous les 9 siècles :
– 33ème siècle av. J.-C. : les villes et les routes commerciales
– 24ème av. J.-C. : l’épopée de Gilgamesh : protéger et même sauver la nature
– 15ème av. J.-C. : Akenaton : l’énergie solaire, source de la vie, monothéisme solaire.
– 6ème av. J.-C. : Bouddha, Lao Tseu, la philosophie grecque : tout procède du Logos.
– 3ème ap. J.-C. : Mani et la gnose : nécessité d’une démarche personnelle. Unité des religions.
– 12ème ap. J.-C. : Al Andaluz, fondation des premières universités : l’échange par la parole et le début de la « religion industrielle »
– 21ème siècle, aujourd’hui : conscience planétaire du vivant, circulant par l’internet : le retour de Gilgamesh ?
On trouvera sans doute surprenant que ni Jésus, ni Mahomet ne figurent dans ces dates. En fait, les destinées individuelles, quelle que soit l’importance qu’on leur accorde, sont d’une autre nature. Nous observons des périodes d’éveil collectif. Le christianisme existe comme mouvement collectif lorsque l’Église se structure à partir des 2-3ème siècles. Et l’Islâm, d’abord propagé par la guerre, ne devient porteur de culture et de recherche qu’après un ou deux siècles.
Ainsi, il semblerait que, tous les 9 siècles, l’esprit humain se réveille et s’active à débattre de questions fondamentales touchant à la vie, la mort, la relation avec la nature, la nature de la connaissance et ses modes d’expression, le rôle de l’espèce humaine sur terre et dans l’univers. Il est utile de faire ce constat car, dans notre 21ème siècle, ces questions sont d’actualité (pour mémoire 12+9=21…).
D’où notre conclusion : le 21ème siècle promet d’être, lui aussi, un grand siècle de l’Esprit.
Prospective
Donc, si l’ampleur de la mutation du 21ème siècle est du même ordre de grandeur que celles des autres « siècles de l’esprit » qui l’ont précédée, les prospectives usuelles sous estiment complètement la transformation en cours. La civilisation qui nous attend fonctionnera sur d’autres bases que celles que nous avons connues. En particulier, ce qui, au 20ème siècle, constituaient les signes du succès : la fortune, le pouvoir, l’autorité, la force, laisseront place à d’autres critères, sans doute plus proches de la connaissance, de la tempérance, de la modération et des services rendus à la vie.
Quelques hypothèses : on peut dès à présent esquisser deux transformations majeures qui devraient bouleverser non seulement l’organisation des sociétés, mais, au-delà, le psychisme des humains :
– La première est la relation avec la nature. La civilisation industrielle, avec ses prolongements agricoles, maritimes et miniers, admet que le rôle des humains est d’exploiter la nature selon les « besoins » de l’espèce humaine. On sait maintenant que toutes les espèces animales qui se sont multipliées et ont exploité les ressources sans contrainte ont fini par s’effondrer. Pour que la relation avec la nature devienne durable, il sera donc nécessaire que les humains se limitent dans leurs effectifs et dans leur prédation et acceptent que leur rôle est de prendre soin des équilibres naturels, autrement dit d’être, non plus des exploitants mais des gardiens, des jardiniers de la planète.
Cet impératif rétroagit sur les croyances. L’énergie solaire, sur laquelle Akenaton puis Zarathustra avaient fondé leur conception de la divinité ne recèle plus autant de mystères qu’autrefois, car La connaissance accessible et démontrable des rayonnements s’est approfondie. Il reste toutefois une interrogation essentielle d’où pourrait émerger une autre conception de la divinité : comment se fait-il que la matière vivante se perpétue et se reproduise ? On sait qu’il s’agit d’échanges d’informations via des substances chimiques, mais une fois qu’on l’a affirmé, le mystère demeure. Et comme, pour bien des espèces dont la nôtre, tout commence dans le corps féminin, c’est le côté féminin de la divinité qui sera promu, alors que les divinités masculines, correspondant aux périodes guerrières, déclinent. Mais on pourra percevoir du divin aussi dans les animaux, les plantes et plus généralement les écosystèmes.
– La seconde est la relation à l’information et à la connaissance : Si chacun porte avec lui un terminal qui le connecte instantanément à la planète entière, aux connaissances de toutes les sciences, à tous les spectacles et à ses moyens de paiement, l’univers mental change complètement. On en voit les premiers signes dans l’importance que le public accorde aux sports, à la musique, à l’art en général, alors que les « personnes morales » de la civilisation précédente sont de plus en plus supportées avec résignation. D’autre part, on redécouvre l’Histoire, les civilisations oubliées des « peuples premiers », la diversité des langues et des traditions, la possibilité de communiquer avec des êtres différents…
Les déplacements sont moins nécessaires ; d’obligatoires, ils deviennent exploratoires. Dans ce contexte, est-il encore indispensable de s’agglutiner dans d’immenses villes ? Les gratte- ciels sont-ils nécessaires ? Si le rôle de l’Homme est de prendre soin de la nature, il est logique de l’imaginer auprès d’elle, sa population répartie en une multitude de villages terrestres ou maritimes. Si l’éducation se donne pour objectif d’apprendre à s’orienter dans l’océan d’informations, elle prépare aussi aux activités concrètes telles que l’entretien des plantes, l’élevage des animaux et le cheminement personnel vers la santé et la sagesse, l’orientation des pulsions au service de la vie. Il va de soi qu’une telle organisation suppose des études longues, couronnées par un travail personnel, tel le chef d’œuvre d’un Compagnon.
– En ce qui concerne les organisations collectives, on peut imaginer que, les échanges, même lointains, étant rendus faciles et instantanés, l’influence des États-nations que nous connaissons diminue au profit des « personnes morales » de droit privé, puis, dans un second temps, ces personnes morales, s’étant rendues insupportables, laissent place à d’autres formes d’organisation plus fluides qui restent encore largement à inventer.
Mais le point essentiel est la fin de la dictature de la monnaie, soit par la multiplication de monnaies locales, soit par la subordination de la création monétaire à des objectifs d’intérêt général : construire les infrastructures d’utilité planétaire pour l’accueil des migrants, l’approvisionnement en eau et l’assainissement, et aussi des systèmes d’observation et de communication par satellites ainsi que toutes les grandes infrastructures de recherche et de santé.
Pour passer à la civilisation cognitive, il reste du chemin à faire…