La Crise de la Démocratie

Conférence 2100 N°170 –

par Jérôme Bindé, Membre du Club de Rome, ancien Sous-Directeur Général Adjoint pour les Sciences Sociales et Humaines et Directeur du Bureau de la Prospective à l’UNESCO

Description:
La nouvelle vague de mondialisation qui restructure la planète depuis la 3e révolution industrielle, celle de l’information, de l’informatique et de l’économie financière, semble mettre en crise la démocratie.
Sommes-nous entrés dans un âge «post-démocratique»? Il convient d’évoquer les symptômes de déclin de la légitimité démocratique : crise de la souveraineté, de la démocratie représentative, de la participation démocratique et « lobbyfication » de la démocratie. Il faut aussi analyser les signes d’une obsolescence croissante de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la civilité, de l’humanité et des « humanités ».
Mais la crise de la démocratie est peut-être plus profonde, car elle atteint les principes même de l’espace-temps politique. Il importe d’abord de mettre en relief la rétraction croissante de l’espace public, corollaire de l’effacement de la société.
La 3e révolution industrielle induit en effet une « fractalisation » des sociétés, selon un mouvement centrifuge d’ « appariements sélectifs ». L’économie, l’identité nationale, la famille, la ville, l’éducation se fragmentent, comme si une logique de séparatisme travaillait l’ensemble des institutions qui assuraient naguère la cohésion sociale mais imprimaient aussi une dynamique à l’histoire par la régulation des conflits.
L’obsolescence croissante de l’espace public démocratique tient aussi à l’énorme croissance de la part d’ombre au sein des démocraties : essor colossal des complexes militaro-industriels, des services secrets, des criminalités organisées, synergies croissantes entre services spéciaux et mafias, systèmes généralisés d’espionnage de tous par quelques-uns.
Mais il est une seconde grande crise de l’espace démocratique : l’obsolescence croissante du cadre spatial de la démocratie, qui s’était édifié grâce à la formation d’ Etats-nation, à la structuration de territoires et à la délimitation de frontières. L’Etat démocratique paraît désormais trop grand ou trop loin pour régler les problèmes locaux, et trop petit ou trop faible pour gérer les problèmes globaux.
Le sabordage des projets de « gouvernance globale » a laissé l’Etat démocratique impuissant, dans un monde bloqué, hypothéqué par la surconsommation des ressources, la dégradation de la biosphère et la croissance des inégalités.
Une dernière crise menace la « chronologie » de la démocratie : c’est la disparition de l’avenir, du temps et de la durée politiques. Les démocraties contemporaines vivent au jour le jour, dans la tyrannie de l’urgence, comme si leur mot d’ordre était celui des punks des années 70 : «  No future ! ». Elles sont victimes d’un double obstacle : l’obstacle instantanéiste et celui du contrat social lui-même, qui exclue les générations futures.
Deux questions seront abordées pour conclure : peut-on repenser la démocratie en profondeur et lui redonner de nouveaux principes ainsi qu’une nouvelle vie? quels sont les scénarios éventuels que l’on peut esquisser à l’âge « post-démocratique »?

Date: 16 octobre 2013 à 17h30

Lieu: Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris (Mines ParisTech), Salle L 118,
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