Ethnotechnologie prospective : l’empreinte de la technique

Plan du Site du Centre Culturel International de Cerisy-La-Salle :

DU JEUDI 2 JUILLET (19 H) AU JEUDI 9 JUILLET (14 H) 2009

ETHNOTECHNOLOGIE PROSPECTIVE : L’EMPREINTE DE LA TECHNIQUE.
COMMENT LES TECHNIQUES TRANSFORMENT LA SOCIÉTÉ ?

DIRECTION : Elie FAROULT, Thierry GAUDIN


ARGUMENT :

L’ethnotechnologie est l’étude des interactions entre les techniques et la société.
Au XXème siècle, le train, l’automobile et l’aviation ont transformé les styles de vie. Au XXIème siècle, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), mais aussi l’écologie, transforment irrésistiblement l’imaginaire et l’action quotidienne, construisant une “civilisation cognitive”. C’est aux transformations sociétales induites par ces nouveaux usages des techniques que l’on s’intéressera  plus précisément.

Par exemple, les instruments de mesure sont des techniques transformatrices. Ils sont le socle de la science comme le miroir de la société.
Ils font évoluer la connaissance, le système de santé, les comportements économiques et politiques, conditionnés par les mesures statistiques et comptables que l’on sera donc conduit à examiner.

Les outils de communication, Internet notamment, transforment l’enseignement, l’art, le design, les solidarités, la conscience des enjeux planétaires et, peut-être, demain, la géopolitique. C’est aussi la manière par laquelle ils opèrent ces changements que l’on tentera de comprendre.

On essaiera enfin de considérer les visions de la technique dans les autres civilisations ainsi que les implications philosophiques et éthologiques de l’ethnotechnologie.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Jeudi 2 juillet
Après-midi: ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée: Présentation du Centre, des colloques et des participants

Vendredi 3 juillet

Matin:
Thierry GAUDIN: Introduction (avec projection d’une vidéo de Michel ROCARD)
André LEBEAU: La confrontation aux limites de la planète

Table Ronde animée par Thierry GAUDIN, avec Jean-Eric AUBERT, Jean-René BRUNETIÈRE, André LEBEAU et Bernard LIETAER

Après-midi:
Métrologie, écriture, monnaie et société (Animation: Marie-Ange COTTERET)
Denis GUEDJ: Naissance d’un concept, le mètre
Marc HIMBERT: Métrologie et construction scientifique

Soirée:
Art, design, architecture (Animation: Marie-Ange COTTERET)
Marie-Anne FONTENIER: Ethnies de la jeune création numérique: communautés réelles, communautés virtuelles? (avec Caroline GASNIER et Benoît LELEU)

Samedi 4 juillet
Matin:
Environnement, relation avec la Nature (Animation: Henry-Hervé BICHAT)

Michel GRIFFON: Qu’est-ce que la révolution doublement verte?
Henry-Hervé BICHAT: Contribution des agricultures traditionnelles à l’élaboration de la nouvelle révolution agronomique du XXIème siècle

Après-midi:
Métrologie, écriture, monnaie et société (Animation: Elie FAROULT)
Bernard LIETAER: Ethnotechnologie monétaire: leçons pour aujourd’hui

Jean-Jacques GLASSNER: Le choix de l’écriture

Christine PROUST: L’enseignement de la métrologie en Mésopotamie: de l’uniformisation des apprentissages à la standardisation des pratiques

Soirée: Atelier “Monnaie et crise” (Animation: Elie FAROULT et Bernard LIETAER)

Dimanche 5 juillet
Matin: Environnement, relation avec la Nature (Animation: Henry-Hervé BICHAT)
Gonçalo D. SANTOS: How ‘green’ is Chinese traditional agriculture? Technology, development, and environment in rural South China
Estelle GARNIER & Martino NIEDDU: La Mutation génétique d’un mythe rationnel: de la raffinerie du végétal à la révolution de la chimie doublement verte?
Bernard HUBERT: Une troisième frontière agraire à explorer

Après-midi:
Le regard d’autres continents: technique, philosophie, éthologie (Animation: Jean-Eric AUBERT)
Jean-Eric AUBERT: Le mouvement des techniques, le destin des sociétés et l’évolutiondes consciences

Pierre QUETTIER: Co-évolution des arts martiaux et de la société japonaise
Kiran VYAS: Le don de l’Inde: la connaissance du zéro et de l’infini

Soirée:
Atelier “Jardin planétaire” (Animation: Jean-Eric AUBERT)

Lundi 6 juillet

Matin:
La contraction du temps: Internet, TIC et nanos en prospective (Animation: Jacques PERRIAULT)
Norbert PAQUEL: Technologie et système de santé
Philippe MALLEIN: Techniques, paradoxes et lien social
Jean-René BRUNETIÈRE: Les indicateurs en folie
Sergeï PERESLEGIN: Le problème de la transition post-industrielle

Après-midi:
DÉTENTE

Mardi 7 juillet

Matin: Art, design, architecture, enseignement (Animation: Elie FAROULT)
Cynthia GHORRA-GOBIN: Reconfigurer nos “espaces publics”. Quelles techniques pour le Développement Durable?
Ghislaine AZÉMARD & Samuel DA SILVA: Mutations technologiques et culturelles: nouveaux chemins pour la didactique?
Sylvie CRAIPEAU: Quand le jeu est un travail

Après-midi: La contraction du temps: TIC, enseignement et connaissance (Animation: Jacques PERRIAULT)

Bernard BLANDIN: Quelques effets des instruments de communication sur la relation pédagogique
Jacques PERRIAULT: Pratiques numériques et modèles de connaissance
Marie-Ange COTTERET: Comment les technologies transforment les sociétés: la mesure

Soirée: Atelier “Education” (Animation: Jacques PERRIAULT)

Mercredi 8 juillet

Matin: Le regard d’autres continents: technique, philosophie, éthologie (Animation: Juliette GRANGE)
Juliette GRANGE: Philosophies de la technique en France et en Allemagne (XIXe-XXe siècles)
Alain GRAS: Ethnotechnologie comparative: le piège énergétique et la bifurcation socio-technique de la modernité
Elie FAROULT: Technique et enseignement supérieur: évolution

Après-midi: Comptabilité et société (Animation: Elie FAROULT)
Yves DOUCET: Mesure, action collective et libertés
Claude SIMON

Actualité de l’ethnotechnologie
Thierry GAUDIN: L’ethnotechnologie en tant que discipline de recherche

Soirée:

Atelier “Exercice de Prospective” (Animation: Elie FAROULT)

Jeudi 9 juillet
Matin: Discussion avec Sergeï PERESLEGIN et Alexandra YUTANOV

Restitution prospective

Conclusions, par Jean-Eric AUBERT, Elie FAROULT et Thierry GAUDIN

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS


RÉSUMÉS :



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Jean-Eric AUBERT: Le mouvement
des techniques, le destin des sociétés
et l’évolution des consciences

On peut aborder l’ethnotechnologie
avec une approche micro-sociétale examinant
l’empreinte qu’une technique donnée laisse sur une communauté
particulière. On peut aussi l’aborder dans une approche macro-sociétale
en considérant comment une société évolue
dans un contexte technologique donné. C’est cette deuxième
perspective que je prendrai en adoptant un point de vue
“éthologique”, c’est-à-dire centré sur
les comportements. Je considérerai d’abord dans une
perspective historique longue les changements de comportements
vis-à-vis de la nature et du “monde” en général,
des sociétés primitives jusqu’aux sociétés
contemporaines, en passant par les sociétés
agraires puis industrielles. Je considérerai ensuite la
façon dont les principales civilisations se sont développées
et organisées suivant leur maîtrise des techniques
du moment. Il apparaîtra de ce survol dans le temps et
l’espace que les sociétés ne maîtrisent pas
durablement la technologie. Celle-ci évolue de façon
autonome, expression de la créativité et du dynamisme
du vivant. Il s’ensuit des crises plus ou moins profondes, manifestations
des désajustements entre les mouvements des techniques
et les fondements éthologiques des sociétés,
les crises auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui
étant particulièrement redoutables car elles
résultent de l’effondrement d’un modèle de croissance
global. Suite aux crises, une évolution des consciences
se produit: une sorte d’élévation dans le degré

de conscience se matérialisant par de nouvelles valeurs, de
nouvelles règles de vie en commun. Cette réflexion,
et les exemples qui l’alimenteront, s’appuiera sur une expérience
de trente cinq ans de conseil en politique de l’innovation développée
au sein de diverses organisations internationales.

Ghislaine
AZÉMARD: Mutations technologiques et culturelles:
nouveaux chemins pour la didactique?

Les nouvelles générations travaillent,
se divertissent, consomment, communiquent de manière
entièrement nouvelle, leurs “allant de soi” intègrent
des pratiques d’usage des Nouvelles Technologies de l’Information
et de la Communication qui se sont construites pour la plupart
depuis moins de cinq ans. La généralisation fulgurante
de l’usage des blogs, des réseaux sociaux sur internet, des
jeux en ligne persistants, des forums… contribue à bâtir
progressivement pour la plupart de ces usagers un double virtuel
dont les exigences vont croissant. Le temps et le nombre des connexions
sur internet, la régularité des interactions, l’appropriation
immédiate de nouvelles fonctionnalités fondent de
nouvelles appartenances et déplacent les modalités
de vie traditionnelle tant personnelles, relationnelles, que citoyennes
ou professionnelles. Ce mode de vie virtualisé se transnationalise,
tisse du réel à l’échelle de la planète,
il s’affranchit de certains systèmes symboliques hiérarchisés,
il impose des codifications spécifiques qui induisent des
comportements inédits. Internet et ses services en perpétuel
enrichissement agissent comme un activateur social sans précédent,
très différent dans ses impacts des “appareils idéologiques”
des générations précédentes. Dans cette
configuration générale, on constate que les compétences
et les appétences des nouvelles générations
ont profondément changé, les moyens de transmission des
connaissances ne peuvent négliger ces modifications sans mettre
en difficulté toute tentative de contribuer à la construction
de conceptualisation, d’enseignement et de valeurs. De nouvelles
modalités de transmission par le numérique sont à

l’œuvre, les processus pédagogiques déjà éprouvés
cherchent leurs équivalents en terme de procédures
interactives. Scénariser les enseignements, introduire de l’esthétique,
de l’attractivité, du jeu dans les logiques d’apprentissage,
utiliser les potentialités interactives des NTIC, la simulation
des situations, créer des univers virtuels immersifs, favoriser
l’expérimentation sont autant de pistes de réalisations
et de recherches qui seront interrogées dans cette intervention.


target=”_blank”>http://www.leden.org


name=”HenryHerve_BICHAT”>
Henry-Hervé BICHAT: Contribution
des agricultures traditionnelles à l’élaboration
de la nouvelle révolution agronomique du 21ème
siècle

Le modèle
de l’agriculture industrielle qui a dominé le
vingtième siècle est en train de connaître
ses limites: non seulement l’amélioration de ses
performances se ralentit progressivement, mais surtout les
facteurs de production sur lesquels a été fondée
sa réussite risquent de disparaître au cours des cinquante
prochaines années: coût croissant de l’énergie
fossile, épuisement progressif des matières premières
à base d’engrais chimiques, limitation de plus en
plus drastique des pesticides. Or au cours des cinquante prochaines
années, il faudra doubler au moins le volume des biomasses
prélevées pour satisfaire non seulement
ses besoins alimentaires mais également en matériaux,
en produits chimiques et en énergie d’une population
mondiale frôlant les 9 milliards d’habitants. L’Humanité

va donc se retrouver dans la situation des agricultures traditionnelles
qui ont du s’efforcer de répondre à tous les besoins
des populations sans fuel bon marché, ni engrais minéraux
ou pesticides. Au moment où il faut relever le défi
d’une agriculture aussi productive qu’écologique, le moment paraît
venu d’être à l’écoute de ces expériences
séculaires, surtout lorsqu’elles concernent des régions
densément peuplées depuis longtemps, comme
en Extrême Orient.

Bernard BLANDIN: Quelques
effets des instruments de communication sur la
relation pédagogique

La communication proposée examinera, à
partir de travaux de recherche sur la relation pédagogique
à distance, quelques conséquences
de l’utilisation des technologies de communication
sur les interactions humaines. La relation pédagogique
est une instance de la relation éducative,
c’est-à-dire d’une relation sociale particulière
mise en œuvre dans un environnement possédant
des caractéristiques déterminées. L’étude
des modifications de la relation pédagogique dans
les situations d’utilisation d’instruments de communication,
comme par exemple dans le cadre de dispositifs de formation
à distance, est révélatrice des transformations
des modalités d’interaction entre les êtres
humains que provoquent les technologies de communication.
La sociologie d’Erving Goffman se révèle
un outil précieux pour analyser ces transformations
des interactions à l’aide de données observables.

Références Bibliographiques
:

BLANDIN, B. (à paraître) “L’objet en sciences
humaines et sociales: tentative d’état
des lieux”, in ADE, D. & de SAINT-GEORGES, I.
Les objets dans la formation et l’apprentissage: usages,
rôles et significations dans des contextes variés
.
Toulouse: Octarès.

BLANDIN, B. (à paraître) “Objet, savoirs
et apprentissage”, in BAILLE, J. Du mot au
concept: objet
. Grenoble: Presses de l’université
de Grenoble.

BLANDIN, B. (2008) “Impact du dispositif sur les
processus d’apprentissage”, in ENLART, S. Formation:
les dispositifs en question
. Paris: Editions
Liaisons.

BLANDIN, B. (2007) Les environnements d’apprentissage.
Paris: L’Harmattan.

BLANDIN, B. (2004) “La relation pédagogique
à distance: que nous apprend Goffman?”, in Distances
et Savoirs Vol. 2, n°3/4
. Hermès
– Lavoisier – CNED, p 357-381.

BLANDIN, B. (2002) La construction du social
par les objets
. Paris: PUF.


name=”JeanRene_BRUNETIERE”>
Jean-René BRUNETIÈRE:
Les indicateurs en folie

Le 2 août
2001, la “LOLF” (loi organique relative aux lois
de finance), votée à la quasi-unanimité,
était publiée. Elle faisait obligation
au gouvernement de rendre compte de la totalité de
l’action de l’Etat à l’aide “d’indicateurs précis
dont le choix est justifié”. Ainsi, depuis 2006,
1167 indicateurs1 nous disent tout sur
la “performance” de l’Etat. Les documents sont publics
mais suffisamment bien cachés (cf la longueur de l’URL).
Peu de gens y sont réellement allés voir.
Pourtant, ça vaut le détour : les occasions de
sourire, de s’interroger, parfois de se scandaliser sont
presque aussi nombreuses que les indicateurs. Qu’en conclure?
Peut-on fonder une métrologie de l’action publique?
L’action de l’Etat, faite d’arbitrages plus que de productions,
peut-elle se mesurer en 1167 chiffres? et pourquoi pas en
1 chiffre, fonction linéaire des 1167? qu’est-ce qui
peut pousser des hauts responsables intelligents et de bonne
volonté à jouer à un tel jeu? pourquoi ces objets
ne nourrissent-ils aucun débat démocratique,
alors qu’ils doivent rendre compte de l’efficacité des gouvernants?
Pénombre aurait quelques hypothèses là-dessus,
à livrer au débat.

1
Trouvables sur:
href=”http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2009/DBBLEUTMS_TMSBG.htm#resultat”
target=”_blank”>http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2009/DBBLEUTMS_TMSBG.htm#resultat

Références
Bibliographiques :

Pénombre
; Lettre grise n°10, “La LOLF sans peine”,
href=”http://www.penombre.org/lg/LG10def.pdf” target=”_blank”>http://www.penombre.org/lg/LG10def.pdf
.
Article
; “Les indicateurs de la LOLF, une occasion de débat
démocratique?”, J.R. Brunetière in
Revue française d’administration publique,
n°spécial sur la LOLF juin 2006.

Pénombre
; “Chiffres en folie. Petit abécédaire
de l’usage des nombres dans le débat public des médias”,
La Découverte. Préface de Philippe
Meyer (1999).


name=”MarieAnge_COTTERET”>
Marie-Ange COTTERET: Comment les
technologies transforment les sociétés: la mesure

La métrologie naît en Mésopotamie
au troisième millénaire avant notre ère,
conjointement au développement du commerce, des
villes, de la comptabilité, de l’écriture
et de l’école. Le premier inspecteur des poids et
mesure dont nous avons connaissance vivait en -1750. En
remontant aux origines, en Mésopotamie, apparaît
la permanence du lien qui unit le marché, l’école
et la mesure. Périodiquement, le pouvoir, face

à l’anarchie métrologique, tente d’unifier le
système de mesure. C’est ce que fait Charlemagne. Après
lui, pendant mille ans, de 789 à 1789, la dégradation
reprend. À nouveau, des milliers de mesures différentes
de poids, de longueur, de volume, ont cours. Et l’état
de grâce de l’été 1789 permet la grande unification
métrique. Toutefois, en observant de plus près
cette période, apparaît un résultat
imprévu: le pouvoir métrologique est confié

à la communauté scientifique alors que la demande initiale
était motivée par les fraudes des marchands
et les injustices fiscales. Depuis, la définition des mesures
échappe au jeu des intérêts commerciaux
et les étalons sont devenus des instruments très
sophistiqués.


name=”Sylvie_CRAIPEAU”>
Sylvie CRAIPEAU: Quand le
jeu est un travail

Les jeux video, particulièrement
les jeux en ligne, ne relèvent plus d’une pratique
marginale mais témoignent d’un phénomène
culturel. Leur diffusion massive s’accompagne d’un questionnement
alarmée des familles et, en écho, de la presse.
Mais l’accent mis sur les phénomènes d’addiction
aux jeux électroniques ou sur la violence risque de
masquer les véritables enjeux sociétaux attachés
à ces pratiques nouvelles. La passion pour ces jeux ne
renvoie-t-elle pas à la recherche d’un ordre, de règles
sociales, mais cela, au risque, pour les joueurs, de se trouver
enfermés dans des règles inscrites dans le dispositif
technique? On peut considérer les univers videoludiques comme
une extension de la rationalité économique, comme une
reproduction de l’univers de l’entreprise. Les joueurs apprennent
à se coordonner, à s’organiser, à agir efficacement
à l’intérieur de collectifs, à développer
des stratégies, autant de dimensions de la socialisation
aux normes de l’entreprise. On ne peut pas dire que les joueurs
sont isolés, ils expérimentent en fait de nouvelles
formes de sociabilité, où il s’agit à la
fois d’être présent et absent, dans un monde où

ils peuvent, selon leur désir et instantanément,
être seuls, en groupes d’amis, dans une foule, tout en
restant dans leur fauteuil. Pour le dire schématiquement,
nous devons nous poser un certain nombre de questions:
– dans ces pratiques, les
joueurs risquent-ils de s’enfermer dans ce que les jeux
reproduisent de notre société, dans un univers,
qui comble leur sentiment de vide, les protège de
leur ennui, ou dans un monde alternatif, utopique, où leurs
actions peuvent être récompensées avec
justice, où les règles sont claires, un monde qui
a du sens?

– ces espaces ludiques sont-ils
aussi des espaces de création sociale, lieux
transitoires où s’expérimentent de nouvelles
règles et de nouvelles modalités d’être
ensemble?

Yves DOUCET: Mesure,
action collective et libertés

La mesure comptable est sommée de répondre
à deux demandes antinomiques :

– une demande à dominante externe d’efficience
des marchés financiers sur la base d’informations comptables
et de normes de mesure articulées avec les normes de rentabilité.
Cette demande, devenue prépondérante à partir
des années 80, a trouvé son expression canonique à

travers le cadre conceptuel, les normes de la Juste Valeur et la doctrine
de la création de la valeur. Ces notions développées
à l’origine par le FASB, l’organisme de normalisation comptable
américain, ont été reprises intégralement
par l’IAS, l’organisme de normalisation international;
– une demande à dominante interne d’adaptation
aux normes d’action collectives socialement admises. La mesure
comptable en tant qu’Image Fidèle d’une réalité

a eu l’ambition d’être l’interprète naturel des rapports
de force qui mobilisent la société libérale et
capitaliste. En France, la DPO d’O. Gélinier, la sociologie des
organisations de M. Crozier, le contrôle de gestion, les budgets,
déclinent à tous les niveaux les réponses rationnelles
apportées à la complexité de l’action organisée.
Ces théories et pratiques formatent en partie les discours engagés
pour accompagner l’Etat providence et apaiser les conflits d’intérêts.

La mesure comptable est à la fois un produit
de cette double demande, mais aussi une construction originale
sans laquelle ces demandes n’auraient pu s’exprimer, sans laquelle
les organisations, grandes et petites, n’auraient pu se constituer.
Elle fonde l’instrument par lequel l’action collective est devenue possible
et nourrit le langage technique au sein duquel se jouent les relations
de pouvoir. La mesure participe d’abord d’une technologie de l’action.
Elle participe ensuite d’une technologie de la liberté mais non sans
ambiguïté. Peut-on mesurer librement pour agir collectivement
dans un monde totalitaire (telle a été l’expérience
du communisme)? Ou inversement peut-on agir et mesurer librement dans
un système tautologique où la mesure devient une fin par elle-même
(telle a été l’expérience du néo-capitalisme
des trente dernières années)? Connaître par soi-même,
agir avec les autres, reste une pratique étrange, voire contre
nature. L’homme n’aurait-il pas inventé la mesure pour se protéger
des autres et peut-être de lui-même?

Elie
FAROULT: Technique et enseignement supérieur:
évolution

Cette intervention part du fait
que les sociétés au niveau du monde d’aujourd’hui
sont confrontées à une série de problèmes
et de défis communs qui sont de plus en plus évidents
et reconnus. Les perspectives pour l’avenir (à travers
les travaux de prospective menés dans différents
pays) supposent une vision partagée des problèmes
et des défis, mais aussi et surtout une approche multi,
inter ou transdisciplinaire
des questions et des solutions
envisageables.

L’ethnotechnologie dès ses
origines a posé clairement la nécessité de
croiser les approches disciplinaires et surtout a mis au
cœur de son projet la question de la compréhension du
monde d’aujourd’hui, du lien science-technologie-société
et surtout de leurs impacts sur la formation et l’éducation.
C’est cette nouvelle approche de la formation et de l’éducation
liée aux fondements théorique et philosophique
de l’ethnotechnologie qui sera articulée dans cette
communication. Un croisement sera fait entre ethnotechnologie
et approche prospective comme instruments de clarification
et de définition de ce qu’est ou devrait être
la “société de la connaissance”.


name=”MarieAnne_FONTENIER”>
Marie-Anne FONTENIER: Ethnies
de la jeune création numérique:
communautés réelles, communautés
virtuelles?

L’artiste se situe
entre nomade virtuel et résident d’une communauté.
Comment les communautés réelles et les
univers virtuels influencent-ils des expériences artistiques
contemporaines? Ces expériences sont visuelles,
sonores, interactives, sur les écrans (ordinateurs,
consoles, téléphones mobiles, écrans géants…),
sur le net, dans les espaces urbains avec un dénominateur
commun, la créativité et un “laisser passer” le
numérique. Leur règle du jeu est de transgresser
les règles et créer de nouvelles communautés
à travers la “toile” multidimensionnelle, transculturelle,
polysensorielle, suscitant un nouveau langage polysémique.
L’exposé sera largement illustré par des exemples
de la jeune création numérique.


name=”Estelle_GARNIER”>
Estelle GARNIER & Martino NIEDDU:
La Mutation génétique d’un mythe rationnel:
de la raffinerie du végétal à la révolution
de la chimie doublement verte?
La
chimie regroupe probablement l’ensemble des techniques
qui ont le plus contribué à révolutionner
les modes de vie; l’Association américaine de
chimie (ACS) continue à d’ailleurs à présenter
son activité sur son site internet comme révolutionnaire.
Dans les années 1980, le poids des excédents
agricoles avait amené les agriculteurs à souhaiter
contribuer à cette activité révolutionnaire
en imaginant la rupture suivante. Ils se sont vus comme
“moléculteurs”, fabricants de molécules à

l’usage de l’industrie qu’elle soit alimentaire ou autre. Ils
orientent alors la recherche vers la mise au point d’une
“bioraffinerie” capable de réaliser le cracking
de la plante entière. Ce qui ne serait que la revanche
des produits agricoles dans leur concurrence de toujours avec
le carbone fossile pour lequel on avait été jusqu’à
imaginer qu’il entre dans la base de l’alimentation (Bergier, 1972).
Or
la demande sociétale d’un développement
soutenable impose au début des années
2000, aux acteurs de cet effort productif de revoir
leur stratégie et de chercher à définir
des “feuilles de route technologiques” qui tiennent
compte à la fois de la nécessité de trouver
des fonctionnalités correspondantes aux qualités
intrinsèques des ressources renouvelables et
à celle de traiter ces ressources selon des procédés
acceptables d’un point de vue environnemental, voire
du point de vue des sociétés paysannes.

Pour documenter cette dynamique, et en particulier
comprendre comment les technologies disponibles peuvent
contraindre et orienter, on mobilisera deux concepts
intermédiaires: celui de mythe rationnel et celui de
compromis technologique. Le mythe rationnel de la substitution
du carbone fossile par le carbone renouvelable qui avait porté
l’effort de recherche et d’assemblage de ressources doit alors
se transformer. D’où l’idée que les perspectives
de développement de produits issus de matières
premières agricoles passent par la révolution
du paradigme de la chimie doublement verte. Or il s’agit d’un
chemin étroit: dans celui-ci, les nouvelles façons
de procéder doivent intégrer la complexité,
la complémentarité et le caractère combinatoire
du système technique contemporain. Or la plupart des
objets techniques contemporains ne laissent pas spontanément
place à ce paradigme. En effet, ils sont eux-mêmes
des compromis entre contraintes fonctionnelles, plus souvent
que le produit de stratégies où la combinaison
des fonctions permet d’optimiser chacune d’entre elles. L’hypothèse
théorique qu’on souhaite poser est que la difficulté

de l’émergence de nouveaux produits nécessite
de recomposer sous d’autres formes et dans d’autres combinaisons
des fonctionnalités, de tels compromis techniques.

Thierry GAUDIN: L’ethnotechnologie
en tant que discipline de recherche

L’ethnotechnologie est inspirée de la théorie
des systèmes techniques de Bertrand
Gille. L’étude des processus d’innovation, devenue
de plus en plus développée à partir
des années 70, montre clairement, surtout au
moyen de monographies, que “l’essence de la technique
n’est rien de technique”. La technique y apparaît
comme une sécrétion des êtres vivants,
une collection d’organes extérieurs au corps,
qui souvent ressemblent aux organes des animaux, des insectes
en particulier (les pinces, les carapaces…). En se positionnant
résolument dans cette logique du vivant, l’existence
d’une technique infléchit la manière de penser.
De même que le sportif construit un schéma
corporel mental en éduquant la maîtrise de
son corps, de même le conducteur d’engin intériorise
les dimensions et anticipe les mouvements de sa machine. L’informaticien
simule mentalement les réponses de ses logiciels.
L’adaptation de l’humain à l’outil est parfois longue.
Les compagnons disent qu’il faut dix ans pour savoir donner un
coup de rabot parfait. La méthode ethnotechnologique
ne néglige aucune source. L’histoire en est une, les
neurosciences aussi. Mais elle ne peut valider ses approches que
dans une démarche d’ethnographie. Comme l’archéologie,
elle se permet des vues d’ensemble. Mais il lui faut aussi
des observations de cas, qui seules apportent les bases. L’étude
détaillée d’un seul objet technique peut
révéler des logiques insoupçonnées
et structurantes.


name=”Cynthia_GHORRAGOBIN”>
Cynthia GHORRA-GOBIN: Reconfigurer
nos “espaces publics”. Quelles techniques pour le Développement Durable?

La prise de conscience du réchauffement climatique
est à l’origine d’un vif débat concernant l’aménagement
urbain. En effet au cours du XXème siècle
et plus précisément dans sa seconde moitié,
les villes ont enregistré, parallèlement
à une croissance économique et démographique,
une sérieuse extension spatiale sans aucune notion de
limite, un processus se faisant souvent au détriment
d’espaces naturels ou encore de terres agricoles. Aussi en ce début
de XXIème siècle, certains remettent en cause
le phénomène de l’étalement urbain et
préconisent une densification du tissu urbain alors que
d’autres estiment à l’inverse que la faible densité

urbaine ainsi que la présence d’espaces verts/naturels facilitant
le ruissellement des eaux pluviales peuvent être considérés
comme des éléments d’un cadre de vie soutenable.
Difficile de trancher ce débat dans l’absolu en dehors
de toute référence à un contexte précis.
En revanche il peut être proposé et conseillé de
porter une attention particulière au processus de reconfiguration
des espaces publics, processus susceptible d’enclencher une dynamique
de densification en vue d’une certaine compacité de la forme
urbaine. Notre intervention a pour objectif de mettre en évidence
quelques arguments au profit d’une conceptualisation des espaces
publics mettant en scène la “figure du piéton”. Il
s’agit également de souligner combien les techniques ne
sauraient être les mêmes pour tous les types d’espaces
publics et exigent une bonne connaissance du milieu.

Jean-Jacques GLASSNER:
Le choix de l’écriture

Deux questions étroitement associées
se profilent derrière ce titre. Pour bon
nombre d’entre nous, l’invention de l’écriture
est associée à des techniques comptables.
Une hypothèse qui ne tient plus, à

l’étude des données. Que signifie,
dès lors, le fait d’écrire? Une gestuelle
inédite d’où il résulte un nouveau rapport
au monde. Un lien social renforcé. La valorisation
d’un certain patrimoine culturel.

Juliette GRANGE: Philosophies
de la technique en France et en Allemagne (XIXe-XXe
siècles)

Dans cette communication, j’esquisserai à grands
traits un bilan critique des analyses théoriques
concernant la nature de la technique et les relations
entre techniques, cultures et sociétés.
Si l’histoire des techniques est une disciplines constituée,
la philosophie des techniques est souvent une part
subsidiaire de la philosophie des sciences (la technique
comme application). Indépendamment, d’un point
de vue philosophique général, Heidegger et beaucoup
d’autres penseurs (Habermas, Ellul) ont porté l’être-sans-monde,
l’aliénation-réification dont la technique
serait le vecteur et symbole. S’oppose à cette déploration
sur l’âge d’airain de l’industrie la conviction
de l’Encyclopédie, l’optimisme mesuré d’Auguste
Comte ou de Raymond Aron. Il convient aujourd’hui de se
départir de ces différentes analyses qui considèrent
“la” technique dans sa généralité,
de la houe à l’ordinateur. La réflexion sur les
techniques doit s’intégrer à la philosophie
politique contemporaine et à l’anthropologie culturelle.
Cette nouvelle approche des techniques permettra d’envisager
un développement industriel raisonné et une
politique républicaine de la nature, qui, l’une et l’autre,
nécessitent de penser ensemble techniques et sociétés.

Alain GRAS: Ethnotechnologie
comparative: le piège énergétique et la bifurcation
socio-technique de la modernité

La rationalité technicienne se définit
apparemment, selon Max Weber, dans un rapport avec des fins,
sans contenu éthique, et elle s’oppose
à la rationalité des valeurs mais cette dichotomie
est idéale, en ce sens qu’elle décrit un
espace mental non historique, dans la réalité cette
opposition est complètement fausse. En effet on
doit se poser la question du pourquoi qui nous aide à

comprendre l’erreur de cette classification dans trois cas
précis:

– l’évolution technique est discontinue: tendance
et trajectoire ;

– l’évolution technique est soumise à
des choix culturels ;

– l’évolution technique n’est pas dictée
par la recherche de l’efficacité ou du moins
l’efficacité est affaire de valeurs.

Le cas de l’arrivée de la machine thermique
est de ce point de vue très instructif, mais
aussi d’autres exemples du passé comme des possibilités
futures de renouveau de techniques oubliées
serviront à alimenter la réflexion sur
le futur. en conséquence il n’y a pas d’autonomie
du processus technique selon la formule “on n’arrête
pas le progrès” et comme le proposait Heidegger
l’essence de la technique n’est pas technique. Une anthropologie
des techniques doit penser l’avenir comme un mixte
d’imaginaire et de potentialités matérielles
où l’aléatoire, le pouvoir des dieux, joue
un rôle considérable…


name=”Michel_GRIFFON”>
Michel GRIFFON: Qu’est-ce que
la révolution doublement verte?
Le terme
utilisé en France est “agriculture écologiquement intensive
et à haute valeur environnementale”. Il y a en fait d’autres
termes, d’ailleurs fort nombreux, et cette profusion témoigne
d’un changement important dans la technologie agricole. Ce changement
peut être résumé par deux thèmes: i) utiliser
les fonctionnalités naturelles des écosystèmes
(leurs régulations) en les amplifiant et en intensifiant leur
usage, au lieu de leur substituer des intrants d’origine fossile (entre
autres); ii) utiliser ces fonctionnalités naturelles comme source
d’inspiration (biomimétisme et bioinspiration) pour produire des
molécules nouvelles. Les techniques nouvelles que cela peut générer
ont toutes une chose en commun: leur viabilité est associée
à leur diversité, au point que l’on puisse dire que, dans
ce domaine, on pourrait passer d’une inspiration taylorienne à

une inspiration issue du paradigme de la biodiversité. L’exposé
énumèrera les raisons pour lesquelles un changement de technologie
est devenu nécessaire, donnera des exemples ainsi que des éléments
de réflexion sur les nouveaux types de politique publique que
cela induit et des nouvelles approches institutionnelles de la recherche.

Denis
GUEDJ: Naissance d’un concept, le mètre

Né de la Révolution
française par l’action conjuguée, sans équivalent
dans l’Histoire, des sciences, de la philosophie et de la politique,
cette histoire débute par un coup d’état idéologique.
Le peuple, dans ses Cahiers de Doléances, demandent
l’uniformité et l’égalité: un poids et une
mesure. Scientifiques et politiques répondent universalité.
Le matériau philosophique utilisé pour construire
le concept du mètre est entièrement tiré

des Lumières: uniformité, universalité, unité,
raison, nature, système. On est en droit de parler du Mètre
des Lumières
. Suivant les termes de la loi, l’unité
réelle
est le méridien terrestre, l’unité

usuelle est le mètre. La Terre elle-même est
l’unité de mesure ! En instaurant l’égalité devant
la loi, la Déclaration des droits de l’Homme proclame
qu’il n’y pas de différence de “nature” entre les individus.
Le système métrique agit semblablement avec les objets.
“Tous les objets sont égaux devant le mesurage, tous seront
mesurés avec le même mètre”. La métrisation
va de pair avec la marchandisation du monde. Une unité uniforme
uniformise le monde.


name=”Bernard_HUBERT”>
Bernard HUBERT: Une troisième
frontière agraire à explorer

La question de la frontière
agraire, qui paraissait un peu oubliée, revient
à l’ordre du jour, de manière renouvelée
dans le cadre de débats récents sur la sécurité

alimentaire mondiale. À la première frontière,
bien connue depuis le Néolithique, celle de la
défriche et de la mise en culture des “terres vierges”,
s’en est inexorablement ajoutée une deuxième
depuis un peu plus d’un siècle, celle du développement
urbain et des infrastructures. Là, les réglementations
et le marché foncier font la loi, et il est bien rare
que la valorisation agricole puisse faire front aux autres
spéculations ou décisions d’intérêt
général. Enfin, les nouveaux enjeux environnementaux
et sociaux poussent à considérer une troisième
frontière, interne au monde agricole et reposant,
celle-ci, sur la manière même de concevoir les
pratiques de culture et d’élevage. Mais se pose la question
des réelles capacités d’émergence de nouveaux
choix technologiques (et donc sociaux, économiques,
d’aménagement de l’espace, etc.), Le domaine agricole pourrait
se trouver déjà pris au piège de la rationalisation
technique, dans une sorte de lock in qui rendra bien difficile
la conception et la mise en œuvre d’options alternatives… sauf

à accepter de significatifs changements de paradigmes !

André LEBEAU: La confrontation
aux limites de la planète

Le sujet que je me propose d’aborder est celui des
contraintes que va faire peser, sur la société
humaine, sa rencontre avec les limites de la planète.
C’est aussi celui des risques globaux — c’est-à-dire
des risques qui menacent son existence même
— auxquels ces contraintes vont confronter l’humanité.
Cette réflexion conjuque plusieurs
composantes du phénomène. L’évolution
technique qui tout à la fois créer
le problème, en accroissant indéfiniment
le rythme du prélèvement sur les
ressources, et qui fournit à l’occasion des solutions
temporaires, la croissance démographique
démesurée et les inégalités
dont elle s’accompagne, la confrontation des réactions
ataviques gouvernées par les fondements génétiques
de l’espèce et des réactions déterminées
par son patrimoine culturel.


name=”Bernard_LIETAER”>
Bernard LIETAER: Ethnotechnologie
monétaire: leçons pour aujourd’hui
Classifions d’abord
les sociétés historiques en deux catégories:
d’un côté, toutes les sociétés
patriarcales (Chine, Mésopotamie, Grèce, Rome,
la Renaissance, et nous encore aujourd’hui), et, d’un
autre côté, les sociétés matrifocales
(qui honorent les valeurs féminines, respectent la
femme, et où une image féminine joue un rôle
fondamental dans leur vision du divin; ce fut le cas en Egypte
Dynastique ou, pendant environ 270 ans, à l’Âge
des cathédrales du Xe à la fin du XIIe siècle).
On peut alors observer que les sociétés patriarcales
ont en commun l’imposition par une hiérarchie du monopole
d’une monnaie rare, avec un taux d’intérêt positif
qui encourage l’accumulation et la concentration. En contraste,
les sociétés matrifocales utilisent un double système
monétaire: une monnaie pour le commerce à longue
distance similaire à celle utilisée par les sociétés
patriarcales contemporaines; et un second type de monnaie pour
les échanges locaux qui est créée par les
utilisateurs eux-mêmes, sans intérêt ou dans les
cas plus sophistiqués avec un demeurage (un taux d’intérêt
négatif qui encourage systématiquement la circulation
de cette monnaie). Vingt-cinq ans de travaux utilisant la théorie
de la complexité sur la quantification d’écosystèmes
naturels ont abouti récemment à pouvoir mesurer
avec précision les conditions de leur durabilité

systémique. La condition principale est que la diversité
entre les agents et les interconnexions entre eux doivent se
situer dans une fenêtre assez étroite autour d’un
optimum qui encourage plus la résilience que l’efficacité
du système. Ces conclusions s’appliquent à tout réseau
complexe, indépendamment de ce qui circule dans le réseau.
Cela peut-être de la biomasse dans un écosystème
naturel, de l’information dans un système biologique, des

électrons dans un circuit de distribution électrique,
ou de la monnaie dans une économie.
Quand on applique cette
approche à notre système monétaire
moderne où un monopole monétaire est imposé
dans chaque pays, et dans le cas du dollar dans le monde entier,
la cause structurelle du mécanisme du crash financier
mondial actuel devient évidente. On retrouve la même
cause dans les 96 autres crashs bancaires et 176 crashs monétaires
que la Banque Mondiale a identifiés dans les trente dernières
années. La solution systémique pour éviter
des répétitions de ce problème devient
claire également: il faut permettre l’émergence
d’une diversité monétaire régionale et locale,
en parallèle avec l’Euro ou les autres monnaies nationales.
En conclusion, le moment semble venu d’apprendre les leçons
monétaires provenant de sociétés matrifocales
comme l’Egypte et le Moyen Age Central, plutôt que de continuer
de vivre dans le paradigme monétaire que nous avons hérité

des Grecs et Romains…

BIBLIOGRAPHIE

Bernard Lietaer et
Margrit Kennedy : “Monnaies régionales:
des nouvelles voies vers une prospérité durable”,
Editions Charles-Léopold Mayer 2009


name=”Philippe_MALLEIN”>
Philippe MALLEIN: Techniques,
paradoxes et lien social

Dans la société
du numérique et de la connaissance vers laquelle
et dans laquelle nous évoluons, toutes les dimensions
identitaires des individus sont mobilisées
comme savoirs et savoir-faire au travail et hors travail, dans
l’entreprise et chez soi, à domicile et en mobilité.
On constate en effet que les utilisateurs des nouvelles
technologies d’information et de communication construisent
des enjeux identitaires forts dans cet usage. Ces enjeux
identitaires s’expriment dans de nouveaux rapports au temps, à

soi, aux autres, au territoire,à l’action, à l’organisation,
au savoir, au pouvoir, au marché. Ces nouveaux rapports
se caractérisent par la présence de paradoxes qui
font exister ensemble des phénomènes et des valeurs
considérés auparavant comme incompatibles,
comme contradictoires. L’utilisateur veut, à la fois,
gagner du temps et perdre du temps, rendre publique son intimité

et rendre intime l’espace public, vivre séparé -ensemble
avec les autres, associer l’espace réel et l’espace
virtuel, bien réaliser une tâche et plusieurs tâches
en même temps, associer une organisation anticipée
et une organisation de dernière minute, associer raisonnement
déductif et raisonnement inductif, vivre un rapport
de maîtrise et de compagnonnage à la technique,
mêler le payant et le gratuit. Enjeux identitaires et
paradoxes constituent donc les clefs de compréhension du
nouveau procès de création de valeurs économiques,
sociales et culturelles dans la société du

numérique. Pour innover aujourd’hui dans “le sens de
l’usage”, il faut bien comprendre ces paradoxes et s’appuyer
sur eux pour “penser paradoxa” en conception d’innovations
technologiques.

Norbert PAQUEL: Technologie
et système de santé

La relation entre la technologie, la santé et la
société est ambiguë et contradictoire: la
santé est un des domaines qui progresse et évolue
le plus vite du point de vue des sciences et des techniques
pendant qu’en même temps le caractère
purement humain, non scientifique, est constamment réaffirmé

(“la médecine n’est pas une science!”). La pharmacie,
les biotechnologies et la génétique
fascinent et inquiètent, en tout cas dans les
médias, mais tout le monde en redemande. Les
techniques d’exploration et de surveillance sont à
la pointe de l’imagerie comme des nanotechnologies et en général
de l’électronique et de l’informatique.
Enfin, les systèmes d’information passionnent,
avec des résultats décevants, les politiques
de tous les pays. Dans le même temps, la santé

est sortie du dialogue singulier du cabinet médical
comme de l’hôpital — malgré la forte résistance
des uns et des autres. L’accroissement de son poids
dans la publicité de tous types de produits est spectaculaire,
et le Web est empli de sites et de débats. S’opposent ou
se mêlent, chez les professionnels comme dans le public,
une vision éclatée et dans un sens large mécaniste
du corps, avec des pratiques très technicisées
et se référant au moins à “l’evidence
based medicine” et des approches globales de la personne,
du groupe et du mode de vie. De plus en plus, le patient,
les associations, des organisations diverses, s’expriment,
contrôlent, interviennent. Le Web permet des fonctionnements
nouveaux et Google Health n’est pas loin.

Or, la santé forme aussi une puissante structure
sociale, que l’éveil des patients et l’impact
économique remettent profondément
en cause. Le domicile, la rue ou le supermarché sont
maintenant aussi des lieux de soins et de prévention,
ou vont le devenir. La communication, la création
d’espaces médico-sociaux personnels, communautaires,
collectifs sont à l’ordre du jour et la rencontre
entre cette banalisation et la sophistication extrême
des techniques pose à tout le moins problème.
Pour comprendre les évolutions actuelles, il faudra
sans doute reconsidérer ce qu’a été

le mouvement qui s’inverse actuellement dans les pays développés
et qui avait conduit à distinguer une santé
traditionnelle qui n’avait jamais vraiment disparu et
des hauts lieux mystérieux de la technique dans les
grands hôpitaux. Il s’agit de définir une
nouvelle répartition des rôles mais aussi d’accepter
un débat sur les objectifs de l’effort technique
et économique consenti et sur les services et produits
proposés, au risque sinon d’une fuite en avant technologique
dans une confusion sociale croissante.

Jacques PERRIAULT: Pratiques
numériques et modèles de connaissance

Dans cette communication, je reviens sur la notion
d’empreinte de la technique que j’ai proposée
en 1984 (Culture Technique N°4), pour
tenter de comprendre quels sont les modèles de
connaissance en cours d’émergence au sein des générations
apparues depuis l’utilisation quasi-généralisée
des ordinateurs et des télécommunications.
Par modèle de connaissance, j’entends un
ensemble organisé de pratiques, de fonctions sociocognitives
et de valeurs qui permet de comprendre le monde. Dans
le champ des pratiques, je privilégierai la question
de l’identité et celle de la localisation. Les sites
personnels et les blogs manifestent un accroissement sensible
de l’exhibition de soi, avec l’objectif fréquent de
conquérir la considération d’autrui et
de conforter de ce fait l’estime que l’on se porte. A titre
d’hypothèse, ces deux variables sont ici considérées
comme les composantes d’un lien social d’un nouveau genre
qui se construirait pour ces générations dans
l’espace virtuel. Par ailleurs, de nombreuses pratiques recourent
simultanément à la géolocalisation et
au temps réel, tout se passant comme s’il s’agissait
de vérifier à tout instant le maintien en

état des configurations sociales dont on relève.
Corrélativement, de nouvelles fonctions mises en œuvre
s’exercent depuis l’individu en mouvance dans l’espace, réel
ou virtuel. On y trouve le cheminement, notion centrale issue
du jeu vidéo et d’Internet, ainsi que tout l’appareillage
sociocognitif de repérage, de découverte et de
construction de connaissances qui en découle. Enfin, les
valeurs d’altérité, de collectif et de réciprocité

apparaissent dans la toile de fond de cette nouvelle scénographie.
Leur raison d’être semble bien in fine la survie
dans une société de plus en plus incertaine.

Christine PROUST: L’enseignement
de la métrologie en Mésopotamie:
de l’uniformisation des apprentissages à la standardisation
des pratiques

De nombreuses sources nous informent sur divers aspects
des pratiques métrologiques en Mésopotamie.
Parmi elles, les plus abondantes sont sans doute
les sources scolaires. Destinés à la destruction
par leurs auteurs, ces brouillons d’écoliers
sont parvenus jusqu’à nous en grand nombre, grâce
à leur support d’argile et à leur réutilisation
comme matériau de construction. Des tablettes scolaires
métrologiques ont été trouvées
dans la plupart des grands sites de Mésopotamie
et des régions voisines. Dans cette communication,
je présenterai ces sources et la façon dont
elles témoignent du rôle de la métrologie
dans la formation des scribes, des pratiques de calcul savantes
et professionnelles, de la notion de mesure dans la tradition
mathématique paléo-babylonienne, des modalités
de diffusion des savoirs en Mésopotamie, des phénomènes
de standardisation.


name=”Pierre_QUETTIER”>
Pierre QUETTIER: Co-évolution
des arts martiaux et de la société
japonaise

Les arts
martiaux se donnent pour mission de conférer
à leurs pratiquants les moyens non seulement de survivre
mais aussi de vivre dignement dans les conditions de
leur époque. Nous examinerons, dans un premier
temps, comment les techniques (les kata) de
ces arts japonais opèrent une telle transmission — donc
influence —, en elles-mêmes et par le biais des circonstances
de leur mise en œuvre. Puis, donnant en exemple quelques
techniques essentielles, nous montrerons concrètement
comment elles interagissent avec l’époque.

Gonçalo D. SANTOS:
How ‘green’ is Chinese traditional agriculture? Technology, development,
and environment in rural South China

Chinese ‘traditional’ agriculture is often praised for
its achievements in terms of productivity during the
pre-modern period. Historically, these achievements
are linked to a series of radical social transformations
from the 10th century onwards that allowed the dissemination
of new forms of agricultural technology leading to a
significant increase in food production and rural living
standards. In clear contrast with the ‘green revolution’ of the
second half of the 20th century, this early endogenous agricultural
revolution was neither based on modern scientific knowledge
nor on modern technological apparatuses such as chemical
fertilizers and industrial machinery that have proved
very costly to the natural environment. In this paper, I want
to establish a dialogue between the Chinese historical experience
and recent worldwide calls for the need to reformulate global
strategies of agricultural development in terms of a
so-called ‘doubly green’ model – one that is concerned not just
with questions of economic productivity but also with questions
of ecological sustainability. My goal is to ask the question of
whether the Chinese historical experience can be used as a source
of inspiration for this new ‘doubly green’ developmental agenda.
The discussion will draw primarily on my long-term fieldwork
experience in a village community in South China, providing a critical
summary account of the process of transformation of the local

‘traditional’ practices of wet-rice farming during the last five decades.

Kiran VYAS: Le don de l’Inde:
la connaissance du zéro et de l’infini

Le monde d’aujourd’hui est géré par l’ordinateur
et Internet. Il est très intéressant
de comprendre que l’informatique n’utilise que 2 signes
de base le 0 et le 1. Mais est-ce qu’on comprend vraiment
ce qu’est le 0? Le 0 signifie “rien” ou “le vide”,

“le nul”, il signifie l’absence. Le chiffre 0 est une contribution
indienne pour la connaissance des mathématiques.
Bien sûr, c’est le système décimal qui
a facilité nos opérations d’addition, de soustraction
et de multiplication. D’une part, 0 signifie au niveau
de l’esprit créer le vide, calmer ou apaiser le mental,
un mental silencieux, un mental maitrisé, c’est-à-dire
un mental sans pensées. Chaque personne aspire par
sa méditation à ce silence intérieur.
D’autre part, 0 dans sa relation de multiplication réduit
tout à 0 et dans sa relation de division, on dit qu’on ne
sait pas ce que cela signifie ou peut donner mais on l’exprime
par le signe de l’infini, quelque chose d’incommensurable, au-delà

de notre compréhension. Pour un indien, cette recherche de l’énergie
inépuisable, que ce soit avec le yoga, l’énergie
de la Kundalini ou par ses prières quotidiennes à
l’un des 33 000 dieux et déesses n’est rien d’autre que
cette recherche de l’énergie inépuisable et infinie.
Si un indien est assez fort en informatique ce n’est pas seulement
grâce à sa connaissance scientifique mais plus par
sa vraie connaissance, peut-être cachée, peut-être
même pas connue de lui-même mais c’est par cette
connaissance du 0 ou cette envie d’apaiser le mental, cette connaissance
de l’infini ou de l’aspiration au Divin. Tout cela n’a qu’un objectif,
aller vers l’autre chiffre, le 1 ou l’unité. C’est comme
cela que l’esprit indien dans sa diversité incroyable (dans
l’art, dans les langues, dans la cuisine, dans l’art des vêtements…)
n’a qu’une seule unité, une seule aspiration, l’unité

ou l’union ou le yoga.

BIBLIOGRAPHIE


Guérir
par l’Ayurvéda – éditions Presses
du Châtelet – 2008

La
science secrète des marmas – Recto-verseau
– 2007
Le
yoga – éditions Marabout – 2007
Yoga
du souffle- éditions Adi Shakti – 2007
Le
massage indien de tradition ayurvédique –

éditions Adi Shakti – 2001
L’Ayurvéda
au quotidien – éditions recto-verseau
– 1996



Avec
le soutien de la Fondation pour le Progrès de l’Homme
, de Prospective 2100 et de Renault SA


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