Jardin planétaire

Jardin planétaire

Illustration : Jardin japonais de Hasselt (Belgique)
Source : Jardin japonais de Hasselt sur Wikipedia

Rappel du texte fondateur de Prospective 2100 pour ce programme séculaire mondial

La grande richesse de la vie, la diversité du patrimoine écologique, doit être préservée. Bien plus, l’Homme doit constater qu’étant désormais maître de la Nature, il en assume aussi la responsabilité. Il est le gardien de la vie. Il a le pouvoir de la supprimer, mais aussi celui de la préserver et de l’enrichir. D’où un programme mondial de parcs naturels, de protection des espèces rares, de conservation du patrimoine génétique et de reforestation. Les risque de sécheresse imposeront une gestion des eaux, si possible planétaire, comprenant irrigation, dessalement, épuration, recyclages. Il s’agira en particulier, tout en préservant la Nature, d’achever l’équipement en barrages des deux plus grands massifs montagneux du monde : les Andes et surtout l’Himalaya qui se trouve au voisinage de l’Inde et de la Chine, grands consommateurs potentiels d’électricité au 21e siècle ; et aussi de constituer un système de lacs, de barrages et de canaux en Afrique, dans la péninsule indienne (Bangla Desh…), en Amérique du Sud, et aménager intelligemment le cours des grands fleuves sibériens dans la perspective du réchauffement planétaire.

Le système agricole, autrefois exclusivement dédié à la production marchande de nourriture, évolue vers une fonction reconnue de préservation, d’entretien et d’aménagement de la Nature. L’exploitant, alors, se mue en artiste. Il accompagne la fécondité de la terre. Un des grands défis de cet aménagement est la reconquête des espaces désertifiés par l’homme, à la suite de surexploitations, de déforestations ou d’abandons. Les outils institutionnels de ces réalisations ne sont pas seulement les administrations étatiques, mais aussi une législation mondiale appropriée, s’imposant aux états, et un réseau transnational d’agences, construites sur le modèle des agences de bassin, gérées par des professionnels, qui prélèvent des taxes sur les dommages causés à la Nature, rendent des services au public, et utilisent leurs ressources au service de la Nature.

La mise en place du nouveau système technique pose autrement la question des relations de l’Homme et de la Nature. En fait, nous avons simultanément sur la planète des sociétés vivant dans les systèmes techniques successifs qu’a connu l’humanité. Il reste des chasseurs cueilleurs, sous toutes les latitudes. Il y a des pêcheurs, plus ou moins industrialisés selon les lieux. Plus du tiers des humains vit de l’agriculture traditionnelle d’auto-subsistance, dans un système d’autarcie villageoise. les sociétés urbanisées vivent de l’agriculture industrialisée et de la transformation agro-alimentaire associée. Enfin, une toute petite minorité se nourrit d’agriculture biologique.
C’est la confrontation entre ces différents modes d’existence qui pose problème. Plus précisément, l’agriculture villageoise d’auto-subsistance constitue un système en équilibre avec la Nature. Le cultivateur se doit d’être prévoyant. Il doit ménager l’avenir pour sa descendance. Par rapport à cette civilisation stable et complète, l’industrialisation est un ethnocide. Elle limite le cultivateur à son rôle de producteur, et l’oriente par un critère de rentabilité. La prise en charge de l’avenir lointain n’est plus assurée. Actuellement, le monde rural subit encore de plein fouet le choc de l’industrialisation. Les nouvelles approches de la société de l’immatériel lui semblent encore faibles et lointaines. Cependant, elles s’imposeront là comme ailleurs au 21ème siècle.

Le passage au jardinage planétaire est l’expression du nouveau système technique, celui qui suit l’industrialisation. Il se caractérise par une recherche de qualité et une limitation des dégâts dus aux exploitations intensives.
On ne manque pas de terres. Sur les treize milliards d’hectares de la planète (2,6 ha par habitant), un tiers est couvert par des forêts, 45% est inutilisable (ce sont des déserts -28%- des régions froides, montagneuses ou inondées). Reste environ un quart de cultivable (6000 mètres carrés par personne), dont nous utilisons seulement moins de la moitié (11%, soit un hectare pour trois personnes). En particulier, l’Afrique et l’Amérique du Sud n’exploitent que 6 et 7% de leur territoire, soit le cinquième de ce qui serait cultivable, même sans toucher à la forêt.
Les besoins alimentaires de l’espèce humaine ne sont pas excessifs au point de menacer l’équilibre écologique. La consommation par habitant et par an est de :

céréales : 300 Kg
légumes : 183 Kg
viande : 28 Kg
poisson : 14 Kg
Total : 525 Kg

Même en remédiant à la sous alimentation (ces chiffres équivalent à une moyenne de 1,4 Kg par jour, ce qui est peu), nous resterions très en dessous du potentiel agricole (3 tonnes par an) et surtout de la production de biomasse par les forêts : 133 milliards de tonnes, soit 27 tonnes par habitant et par an, dont nous ne consommons que 0,6 : la moitié pour les usages industriels (papier, construction, ameublement..), l’autre moitié pour le chauffage et la cuisine (bois de feu) surtout dans les pays en développement. La plus grande partie de la biomasse n’est pas utilisée pour la nourriture. Et les besoins nutritionnels, environ une demi tonne par habitant et par an sont trois fois moins importants que la consommation d’énergie : 1,4 tonne d’équivalent pétrole.
Le grand vivier des espèces, le chaudron où fermente la soupe créatrice, c’est la forêt, plus précisément la forêt tropicale humide. Au total, il y a encore plus de trois milliards d’hectares boisés sur la planète, soit un peu plus d’un hectare pour deux personnes. La forêt contient les trois quarts de la biomasse terrestre, soit 950 miliards de tonnes au total, 190 tonnes par habitant, un cube de six mètres de coté. La réserve de biomasse est encore énorme. En gros, elle représente trois mille fois le poids de l’espèce humaine. Après avoir été surexploitées pour fabriquer du papier, les forêts du Nord (Europe et Amérique) sont stabilisées. Des lois favorables ont même suscité un début de reboisement (au total 2 millions d’hectares par an pendant les années 80). Par contre, la déforestation tropicale est un scandale planétaire, une insulte à la vie, une irresponsabilité dangereuse. Elle met en péril le patrimoine biologique, c’est à dire la diversité des espèces, diversité que nous ne connaissons même pas encore, puisque les estimations varient entre cinq et trente millions, et que seul 1,4 million a été répertorié. Au rythme où nous allons, nous risquons de n’avoir même pas le temps de connaître celles qui sont en train de disparaître. Elles seront mortes avant que nous ayons pu les recenser.

Les causes de ce crime sont bien identifiables. Elles ne datent pas d’hier. Haïti, Madagascar, le Philippines étaient entièrement boisées il y a un siècle. Elles ne le sont presque plus. L’exploitation industrielle est passée. Au Brésil, une loi donne la propriété du terrain à celui qui déboise ! On ne peut pas imaginer meilleur pousse au crime. Revenir sur une telle législation est bien difficile pour un gouvernement local, d’abord préoccupé de sa réélection, et souvent financé par des lobby d’exploitants.

Ce cas montre bien l’urgence de dépasser le cadre des Etats-Nations. Il n’est même plus possible de procéder par négociations, en donnant des contreparties aux autorités locales pour qu’elles préservent le patrimoine écologique. Il faut, sur certains sujets, une législation mondiale, et les moyens exécutifs musclés de l’imposer. Les Etats-Unis interviennent bien contre les parrains de la drogue en Colombie ! Juridiquement, il s’agit d’un délit comparable, plus grave peut être, car il met en cause une tranche de vie plus vaste, bien que méconnue.
D’autres questions sont moins évidentes. Que penser du phénomène météorologique qu’on appelle, en Amérique du sud “El Niño” ? Il s’agit d’une dépression s’étendant à travers le pacifique du Pérou à l’Océanie, accompagnée de pluies torrentielles d’un côté et de sécheresses de l’autre, empêchant la remontée de courants sous marins nourriciers d’où la côte péruvienne tire des pêches miraculeuses. Mais quelle en est la cause ? Les taches du soleil, le réchauffement de l’effet de serre, la déforestation ? L’Homme y peut-il quelque chose ? La réponse à ces questions est suspendue à la connaissance et la modélisation des relations Océan-Atmosphère, laquelle, dès ses débuts, mobilise les moyens de calcul les plus puissants pour des résultats encore incertains.
Pour montrer, sur un aspect particulier, la diversité des arguments qui entrent en jeu, voici le cas de l’eau.
L’eau n’est pas une ressource rare. Océans compris, la planète comprend 1,4 milliards de Km3 d’eau, soit 300 millions de m3 par habitant (un cube de sept cent mètres de coté). Néanmoins, toute cette eau n’est pas immédiatement disponible ; la plus grande partie est soit salée, soit polluée. On sait dessaler et dépolluer, mais cela coûte de l’énergie. Dans les civilisations agraires, les cités se sont installées volontiers au bord de l’eau, sur la mer ou sur les berges des fleuves. Depuis un demi-siècle, le tourisme suscite une migration vers les côtes ensoleillées, qui se poursuivra au long du 21ème siècle. Autrefois, de grandes cités lacustres s’étaient aussi épanouies. Mexico, la plus grande ville du monde, est la descendante de Texcoco, construite sur un lac. Prochainement, elle manquera d’eau ! Le développement intensif finit par saturer les ressources les plus généreuses. Dans le tiers monde, l’eau manque. Istanbul et Alger ont dû subir des rationnements, et les sécheresses réduisent à la misère les paysans de la corne de l’Afrique ou du Mexique. Au Moyen Orient, où les grands fleuves traversent les frontières, les conflits, même s’ils apparaissent issus de motivations économiques ou religieuses, ne sont pas sans relation avec les pénuries d’eau.
Dans les pays développés, des difficultés apparaissent aussi. Le désert australien s’accroît. Même l’Europe au climat si tempéré a connu, dès la fin du 20ème siècle, à la fois des sécheresses et des inondations excessives. Le Middle West américain surexploite sa nappe phréatique, et commence à peler comme une peau de bison. Peut-être les dramatiques évènements, qui ont coûté plus des dizaines de milliards de dollars, aideront-elles ce pays viscéralement libéral à sortir de son imprévoyance en consacrant un minimum de moyens aux infrastructures.

Le cours des grands fleuves doit être aménagé. Il y faut des barrages de retenue capables de faire face aux crues séculaires. Le Président Roosevelt, dans sa politique de relance (le New Deal) pour tirer le pays hors de la crise de 1929, avait créée la Tennessee Valley Authority, pour équiper le fleuve Tennessee. Ne serait-il pas logique d’en faire autant pour les autres grands fleuves de la planète ?
L’eau est devenue une question universelle. L’immensité des océans ne suffit plus à diluer les pollutions : on a retrouvé des traces de DDT dans la graisse des pingouins du pôle sud, à des milliers de kilomètres des épandages d’insecticide. Cela peut paraître invraisemblable, car la dilution doit logiquement réduire à des proportions infimes la teneur en produits toxiques. Mais, dans certains cas, les êtres vivants, tout au long de la chaîne alimentaire, reconcentrent ce qui avait été dilué. C’est ainsi qu’au Japon, à Minamata, les habitants ont été intoxiqués par du mercure rejeté en mer, donc très dilué par les courants, puis reconcentré tout au long de la chaîne alimentaire, jusque dans les poissons qu’ils mangeaient. Désormais, chaque pollueur, où qu’il soit, commet un délit planétaire.
L’eau est aussi une source d’énergie. Avec la nécessité de limiter l’effet de serre, et les restrictions à la prolifération du nucléaire, l’énergie hydraulique, celle des grands barrages, a repris du service, notamment au Brésil. Ces dernières décennies ont déjà vu la réalisation d’opérations titanesques, telles que Itaïpu à la frontière du Brésil et du Paraguay et la Baie James au Canada. Mais les grands projets causent aussi de grands dégâts. Les cas du barrage d’Assouan et de la mer d’Aral pourraient servir de leçon. L’ébriété technocratique y a fait des ravages.
Le programme “jardin planétaire” vise au contraire une prise de parti équitable, qui respecte la Nature tout en bâtissant un aménagement productif. D’ores et déjà, il devra mettre à l’étude l’aménagement hydroélectrique de l’Himalaya, des Andes et de l’Afrique. Le “toit du monde” constitue un emplacement exceptionnel à tous égards. L’ampleur des ressources, la qualité de la civilisation tibétaine et la sympathie qu’elle inspire au monde entier, la diversité et la richesse du milieu naturel. L’Inde et la Chine développent leur économie. Elles  accroissent leur besoin d’énergie. Soit elles utilisent le charbon, qu’elles ont en abondance, et accroissent la pollution de leurs villes et l’effet de serre, soit elles passent au nucléaire, avec tous les inconvénients que cela présente en termes de sécurité et de prolifération, soit elles se tournent vers d’autres sources, en premier lieu desquelles se trouve l’hydraulique himalayenne. Mais si cet aménagement est seulement fait dans le but unique de produire de l’électricité, il sera catastrophique, comme Assouan. Il faut qu’il soit conçu avec une certaine hauteur de vue, comme un ensemble intégré, comme une détermination volontaire et délibérée d’une vocation nouvelle pour cette région, qui ne peut en aucun cas être traitée comme un simple gisement d’énergie. La question se pose semblablement en Amérique du Sud pour le massif Andin et en Afrique, même si les besoins potentiels en électricité y sont encore moins immenses.
La mise en place de programmes est loin d’être seulement une question technique. Partout, elle rencontre des idées toutes faites, et souvent aussi une lourde histoire. En Inde, le fleuve est sacré. Les rationalistes sont surpris et même inquiets de voir les pèlerins se “purifier” dans un liquide si chargé en toxiques et en microbes. Le film de Satiajit Ray, “L’ennemi public”, montre la vivacité de l’affrontement entre un médecin indien moderne, représentant la rationalité scientifique, et la superstition locale. Le médecin a diagnostiqué une pollution. Les traditionalistes sont saisis d’une indignation hystérique à l’idée que l’eau de la source sacrée puisse être néfaste. Il voulait sauver les pèlerins. Ils le calomnient et en font un “ennemi public”. Au Cambodge, les cultures en terrasses nécessitent une irrigation très particulière et délicate à entretenir. Les Khmers rouges, jugeant les façons de faire traditionnelles trop peu “révolutionnaires”, ont décidé de remplacer à leur manière, c’est-à-dire brutalement, la technique millénaire par des procédés plus modernes. Malheureusement, on ne peut traiter ainsi à coups de serpe un système complexe sans qu’il se venge. Il eût fallu, pour entretenir les nouvelles irrigations, que le tiers de la population cambodgienne soit sur place, au travail, en permanence. La modernité toute relative des Khmers rouges n’a jamais fonctionné. En désespoir de cause, ils firent appel aux techniciens soviétiques. Ce fut un désastre, et le Cambodge essaie tant bien que mal de remettre sur pied l’irrigation d’autrefois, restaurant le savoir millénaire qui l’avait portée.
Un peu de technique éloigne de la Nature, beaucoup y ramène. Le programme “jardin planétaire” part de l’idée que l’avènement du nouveau système technique s’accompagne d’une réconciliation de l’Homme avec la Nature en général, et avec sa propre nature en particulier. La biotechnologie, avec la découverte du code génétique, a montré l’unité profonde de la vie “de l’amibe à l’éléphant”. Les sciences cognitives montrent ce qu’ont en commun les processus de formation de la conscience. L’éthologie montre la ressemblance de nos comportements avec ceux de nos frères animaux, et démonte leurs origines communes. La question du vivant sort de l’état spéculatif pour entrer dans le champ de l’expérimentation. Les discours vont enfin pouvoir être étayés par des faits. Les questions vont surgir de difficultés techniques.
Le jardinage planétaire est l’accomplissement de la Techno-Nature. Commencée il y a dix mille ans, avec l’agriculture et la domestication, ce processus de projection dans la Nature d’un ordre intérieur à l’Homme atteint maintenant la planète entière. Les dernières grandes forêts sauvages (l’Amazonie, l’Afrique centrale, la Malaisie) seront, au mieux, transformées en réserves naturelles, au pire exploitées, voire désertifiées à la fin du 21ème siècle. De toute façon, elles seront sous la garde de l’Homme, donc intégrées dans la Techno-Nature. Le dernier espace de chasse et de cueillette, les océans, y entrera à son tour par la voie de l’aquaculture et par la limitation concertée des pêches, seule capable d’éviter la disparition de certaines espèces.

Partout, ce n’est plus d’exploitation, mais de sauvegarde dont on se préoccupe. On limite les droits de prédation (chasse et pêche), on pourchasse les destructeurs, on négocie avec les populations agricoles la modération de leur exploitation.
Quel est le but d’un tel programme ? La protection ne suffit pas à le définir. Faute d’une vision claire de l’avenir, la plupart des mouvements dits écologistes ont fonctionné de manière passéiste, comme si la Nature devait être mise au musée, préservée à tout prix des actions humaines, par principe suspectes. Le concept de jardinage est bien différent. Il prend acte de la responsabilité de l’Homme, admet que la Nature est profondément transformée par son action, et pose comme objectif la qualité de cette action de l’Homme sur le Monde. La perspective, à très long terme, n’est-elle pas que nous partions vers d’autres planètes, accompagnés d’écosystèmes entiers domestiqués ? Comment pourrions-nous le faire si nous passons notre temps à nous interdire d’agir sur la Nature, sous prétexte qu’on ne sait jamais, il vaut mieux être prudent ? Il nous faudra apprendre la biologie, comme nous avons appris la mécanique, par essais et erreurs. Stabiliser un écosystème complet est beaucoup plus difficile que de contrôler une machine. Le vivant est indocile, imprévisible et rusé. Il apprend et surprend. Ce que nous connaissons de l’art des jardins n’est qu’une infime partie de la tâche qui se présente devant nous.
Le jardinage de la vie nous concerne personnellement. Il inclut en effet les méthodes pour se maintenir en bonne santé. Il nous renvoie donc au fonctionnement intime de notre corps, de nos sens et de notre intelligence. Sa difficulté est sans commune mesure avec ce que l’esprit humain a jusqu’à présent maîtrisé. Après quoi, il nous pose la question des chimères, les êtres manipulés génétiquement. Il nous demande pourquoi, et nous somme de répondre. Enfin, il nous pose une question sociale, celle de l’avenir des agriculteurs. Comment une catégorie si importante, qui avait vocation à nourrir l’espèce humaine tout entière, et se considérait donc comme la base de la société, peut-elle se transformer sans souffrir ? Les paysans s’espéraient encore, plus ou moins consciemment, dans un rapport de force avec ceux qu’ils alimentent. Leur fonction nouvelle, gardiens de la Nature, requiert un savoir plus vaste, une fibre artistique, un don pour l’accueil… des qualités de charme et de négociation, en même temps qu’une grande culture scientifique et technique.
Il faut surtout se demander comment pourrait se construire une rationalité moderne de la gestion des espaces naturels, inspirée des mêmes idées directrices sur l’ensemble de la planète. Car, même si l’inspiration mythique et les traditions sont ici et là, différentes, il n’en reste pas moins que ce sont partout les mêmes phénomènes physiques et économiques qui sont à l’œuvre. Ils doivent être étudiés avec soin dans toutes leurs conséquences. Le cas du Cambodge montre que les risques d’un délire technocratique sont loin d’être écartés. Il faudrait que prévale partout un principe de réalité reflétant la précision des instruments modernes de mesure, utilisant aussi les résultats de la Science pour le bien du public. Le moyen d’arriver à ce résultat n’est pas de créer une autorité mondiale, chargée de prendre en main une gestion “rationnelle”. C’est au contraire de constituer un réseau international d’Agences, à la manière de celles qui ont été crées en France pour l’Eau au milieu du vingtième siècle. Ces organismes -un par bassin hydrographique- mesurent les ressources en eau et les pollutions, ils perçoivent des taxes, prélevées sur les entreprises et les particuliers qui consomment ou polluent (principe pollueur-payeur), et utilisent le produit de ces taxes pour aider à des investissements économiseurs ou dépollueurs, ou encore pour promouvoir les technologies “propres”. Ce sont en quelque sorte des missionnaires d’une certaine idée de la Raison, et en même temps étroitement liés au terrain, adaptés aux mentalités locales, avec lesquelles ils négocient en permanence. Le seul élément qui puisse être centralisé, c’est la formation des personnels le financement des recherches et des banques d’information audiovisuelles sur les Espèces vivantes et les espaces naturels.

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