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- Le programme Judiciaire mondial est constitué à ce jour d’un atelier-club en cours de constitution par Mohammed Bedjaoui.
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Rappel du texte fondateur de Prospective 2100 pour ce programme séculaire mondial
Le principe de territorialité du droit a vécu. Le bon sens et les nécessités issues de l’internationalisation commandent d’y renoncer, et de procéder, en même temps qu’on les internationalise, à une radicale simplification des législations et des procédures. Il est de moins en moins possible de lutter contre les maffias, la drogue, les escroqueries, les malfaçons et contrefaçons, ni d’arbitrer les litiges d’entreprises dans un cadre strictement national. Tout en respectant les droits locaux, qui reflètent l’âme des différents peuples, il ne peut pas y avoir de justice complète sans des procédures d’appel vers des tribunaux internationalement reconnus, et une législation minimale commune (protection des droits de l’homme et de la nature), un droit international des entreprises. Tous les citoyens du monde devraient être effectivement en mesure d’accéder à des recours internationaux contre les excès de pouvoir, les oppressions et les spoliations qu’exercent encore ici ou là des puissants abusifs, qu’ils soient publics ou privés, et de déclencher des actions de protection de la nature.
Le respect des lois et de la dignité des magistrats est l’indicateur central de qualité d’une organisation sociale. Les grands penseurs politiques, Machiavel comme Montesquieu, l’ont fait observer il y a déjà plusieurs siècles.
L’internationalisation à laquelle nous assistons rend cette question plus pertinente encore. L’indépendance du pouvoir judiciaire est une mesure de l’état de la séparation des pouvoirs et de la démocratie. Après la seconde guerre mondiale et la décolonisation se sont installés des régimes politiques autoritaires, dans les pays de l’Est et dans les pays en développement. Les abus et l’impunité des dirigeants sont devenus énormes et visibles. Des situations scandaleuses se sont établies, soutenues par la complicité d’intérêts occidentaux. Au début des années 90, la notion de “devoir d’ingérence” s’est imposée. C’est une première remise en cause, encore bien timide, de ce pourrissement. Mais elle perpétue sans le dire, à l’échelle mondiale, un état de confusion des pouvoirs. Quand les Nations Unies s’établissent comme exécutif en organisant des opérations militaires, dans le Golfe, en Somalie, en Bosnie ou au Cambodge, et à la fois comme législatif par les résolutions du conseil de sécurité sur ce qui devrait être, en Palestine par exemple, et aussi comme judiciaire en décidant des sanctions à prendre contre les manquements de l’Irak, elles légitiment par leur exemple même la confusion des pouvoirs. Au lieu de se faire porteur de justice, elles entérinent la faiblesse mondiale du judiciaire.
Et cependant, s’il est un pouvoir à internationaliser en premier, ce n’est pas l’exécutif, toujours tenté d’abuser de sa force, mais bien le judiciaire. Tout le monde a besoin d’une justice qui fonctionne par delà les frontières : les particuliers, comme le montre le cas des enfants de couples mixtes (Algéro-français..) divorcés ; les créateurs, pour protéger la propriété artistique et intellectuelle (voir, par exemple, le procès de la lambada et les multiples difficultés que la contrefaçon crée aux industries de luxe) ; les entreprises, de plus en plus transnationales, qui ne savent pas à quel arbitrage se vouer en cas de litige commercial ; ceux qui luttent contre le grand banditisme et se trouvent paralysés par des lois locales qui permettent aux truands de jouer à chat perché.
La voie de la technologie est sans doute ce qui permettra de poser et de résoudre le retard général du judiciaire de la manière la plus expéditive. Les techniques d’information en effet ne sont pas neutres. Elles portent en elles des méthodes de recherche de données, des comparaisons, rendent possibles les contrôles en temps réel et la télé-présence. Autant de sujets qui touchent le fonctionnement intime de l’appareil judiciaire. Si l’on réfléchit à la justice en termes de sciences cognitives, il apparaît qu’elle est un immense système de perception, dans lequel l’information remonte, selon des processus normalisés. Les termes même d’enquête et de procédure disent le caractère informationnel de la justice. On comprend que le traitement d’information à la vitesse de la lumière soit pour elle un choc culturel. C’est aussi sa planche de salut. La délinquance ne l’a pas attendue pour l’utiliser.