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Lettre au Président, par Lune Taqqiq

Lettre à mon président,

Je suis Marianne, et je viens à vous qui demandez la responsabilité de me représenter, de vous unir à moi.

Vous assurez être animé des meilleures intentions à mon égard.

Regardez-moi, regardez ce que vous avez fait de moi en un an , je suis défigurée, méconnaissable, mon corps meurtri de toutes parts, violenté, souillé, méprisé, déchiré, injurié… mon cœur saigne.

C’est le cœur lourd et serré que je m’adresse à vous, avant que je vous sois livrée…

J’aurais tant aimé pouvoir m’offrir, vous désirer, vous admirer, vous déployer tous mes charmes et atours…

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L’Impératif du vivant

Les êtres vivants ne sont pas faits de matière. Ils sont faits d’information, ce qui donne forme à la matière et se perpétue à travers elle. Tel est le retournement de perspective auquel ce livre invite.
La technique et l’économie ne devraient-elles pas être mises au service de la vie et non l’inverse ? L’idéologie dominante, présupposant que la lutte pour la vie est le moteur de l’évolution, justifie les excès du libéralisme. Or, depuis l’origine des êtres vivants, l’histoire montre au contraire un cheminement vers la coopération.

Partant de la connaissance élémentaire, celle du nouveau-né qui construit sa perception du monde environnant, jusqu’aux organisations politiques et sociales, l’auteur élabore une réflexion qui débouche sur des suggestions pour une gestion durable de la planète. À cet égard, le système actuel s’est disqualifié. D’autres formes d’organisation sont à construire, plus proches de la logique du vivant avec ses trois fonctions : la préservation, la destruction créatrice et la conceptualisation.
Si « l’impératif industriel » était autrefois celui de la rationalité productrice sans limite, de la satisfaction des appétits de consommation et de puissance, l’impératif du vivant est au contraire celui de la tempérance, du respect, de l’accompagnement de la vie sous toutes ses formes, et de l’élévation de la conscience.
éditions de l’Archipel, Février 2013

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L’Avenir de l’Esprit

L'Avenir de l'EspritL’Avenir de l’Esprit, entretiens avec François l’Yvonnet, Albin Michel, 2001.
Dans ces entretiens avec le philosophe François L’Yvonnet, Thierry Gaudin, ingénieur devenu prospectiviste, s’attache à montrer que la mutation contemporaine n’est pas assimilable à un nouvel avatar de la révolution industrielle mais doit être comprise comme un véritable changement de civilisation.
L’ampleur de cette transformation fait se lever les résistances et les conformismes. Mais quelque chose d’inévitable est en train de se produire. Thierry Gaudin constate que la notion même de connaissance est mise en cause. Il propose une philosophie de la reconnaissance, qui vaut pour les individus comme pour les collectivités, ou encore les « personnes morales » que sont les entreprises. Continuer la lecture


Discours de la méthode créatrice

Discours de la méthode créatriceLe Discours de la méthode de René Descartes est considéré comme l’un des textes fondateurs de la philosophie rationaliste, voire de la Science moderne. Si nous avons éprouvé le besoin de mettre par écrit ce qui suit, ce n’est pas pour réfuter, mais pour compléter l’approche de Descartes. Son « Discours », en effet, ne donne pas une « méthode » au sens étymologique du terme : en grec, meta odos, le chemin qui mène au loin. Il donne des éléments de validation, des préceptes, mais ne fournit pas d’indication pratique sur la manière d’avancer. D’autre part, de nombreux manuels ont été publiés sur les « techniques de créativité », à l’usage des entreprises et des consultants. Ces textes contiennent de nombreuses recettes comportementales, mais, à l’inverse de Descartes, ils sont souvent trop précis pour s’adapter à la diversité des situations. Ils ne donnent pas non plus au lecteur les moyens d’adapter leur « méthode » parce qu’ils n’explorent pas les fondements. En quelque sorte, ils disent : « faites comme je vous le dis, ça marche » sans expliquer pourquoi ça marche. En utilisant une approche cognitive et philosophique nous avons voulu nous situer dans cet espace intermédiaire entre la recette pratique et la philosophie. Mais les nécessités de l’exercice nous ont amenés à poser la question de l’être (l’ontologie) d’une manière qui n’est plus tout à fait cartésienne. Ce faisant, nous croyons aussi placer la philosophie en phase avec le XXIe siècle où, d’après nos travaux de prospective, le paradigme scientiste, cohérent avec l’industrialisation, devrait laisser place progressivement à un paradigme dit cognitif. On renonce à l’idée d’un sujet unique et omniscient, celui de la Science, dans lequel s’accumulaient indéfiniment des connaissances, au profit d’une multiplicité de sujets (et d’êtres pensants individuels et collectifs) qui, chacun à leur façon, interprètent en permanence le monde. Ce nouveau schéma conduit à relativiser le savoir, autrement dit à étendre l’idée de relativité au champ de la connaissance.

Télécharger le Discours de la méthode créatrice en format pdf (83 pages, 709 Ko).


L’Écoute des silences

L'Écoute des silencesL’Écoute des silences, 10/18, 1978
Si vous croyez encore que les innovations naissent de l’insaisissable inspiration d’inventeurs géniaux ou de l’impénétrable alchimie de chercheurs distingués, ce livre vous détrompera.
Comment la société produit-elle sa technologie ? en retour, la technologie transforme-t-elle la société ? Quelles intentions, quels mécanismes sont à l’oeuvre ? Ici, pas de réponse simple, mais une myriade de faits, présents et passés à travers lesquels se lit le comportement des acteurs et surtout les résistances des institutions.
Ce livre, écrit en 1978, est devenu un classique de la politique d’innovation.
Texte téléchargeable sur le site Les Classiques des sciences sociales de l’Université du Québec à Chicoutimi.


Lettre au président (1995)

Monsieur le Président de la République,
permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre élection. Je suis citoyen et contribuable. Vous accédez, pour sept ans, à l’honneur d’être l’employé de tous, le mien en particulier. Je souhaite donc, en tant qu’employeur, vous donner dès maintenant quelques instructions sur la manière dont j’attends que vous vous acquittiez de votre tâche.
La représentation que le suffrage vous a confiée ne vous place pas au dessus des français, mais au milieu d’eux. Elle vous donne le droit de manier quelques leviers de commande, mais à leur service exclusivement, et ceci sans discrimination. Plus précisément, étant l’émanation de tous les citoyens, votre fonction ne vous autorise pas à favoriser telle ou telle catégorie, ni même à “récompenser” ceux qui ont aidé votre élection. A l’inverse, elle vous fait un devoir de porter assistance à ceux que le destin a injustement frappés.
Une France qui tolère, comme actuellement, que la main invisible du marché jette à la rue des centaines de milliers de personnes, s’exclut progressivement de l’Histoire des sociétés civilisées. En laissant s’opérer des ruptures dans les conditions de vie, les niveaux d’instruction et les possibilités d’intégration, elle renonce à son identité profonde, qui est de donner sa chance à chacun, quelles que soient ses origines. En tant que garant de l’Unité, vous aurez donc à résoudre d’abord le problème de l’exclusion.
Je sais que ce n’est pas facile. Les autres pays souffrent du même mal. Aucun ne semble en mesure d’y remédier. Faute de projet généreux et constructif, la demande et l’offre s’affaiblissent mutuellement et le manque de moyens général décourage même les plus entreprenants. Au delà des particularités locales, il s’agit d’une erreur de conception du système économique mondial. La planète ne demanderait qu’à être aménagée. Des centaines de millions de chômeurs ne demanderaient qu’à travailler à cet aménagement.
Vous aurez donc à faire entendre la voix de la France, qui est celle de la Raison, dans un monde qui ne veut pas voir sa propre déraison en face. Je n’attends de vous, à ce sujet, aucune complaisance vis à vis des conformismes internationaux, qui aboutissent à bafouer ce qui nous est le plus cher, à savoir les droits de l’Homme. Le premier des droits n’est-il pas en effet de pouvoir survivre dans la dignité ? Les puissants de l’économie mondiale, ivres de signes monétaires, ont oublié jusqu’à leur raison d’être : servir la création des vraies richesses, celles de la vie de tous les jours.
A cet égard, vous aurez à lutter contre un préjugé tenace, présent à la fois chez les pauvres et chez les riches, qui a hélas survécu à la chute du communisme : celui que l’enrichissement des uns se ferait nécessairement au détriment des autres, car il procèderait en dernier ressort d’une exploitation du peuple par les dirigeants. Sans doute, l’économie, comme la nature, a ses prédateurs. Mais la véritable création de richesse n’est pas, comme on voudrait le faire croire, le fruit de la concentration du pouvoir financier entre leurs mains cupides.
Bien au contraire, aucune économie ne peut fonctionner si le pouvoir d’achat et le patrimoine sont trop concentrés entre les mains de quelques privilégiés car, ceux-ci ayant nécessairement des besoins limités et trop peu de temps pour faire de bons choix, stérilisent ce qu’ils possèdent. Tandis que, si ces moyens sont au contraire bien répartis dans toute la population, une demande solvable correspondant aux besoins de tous alimente les circuits économiques et les producteurs peuvent prospérer. Henry Ford appliquait déjà cette idée dans ses usines. Il la résumait ainsi : “je paye bien mes ouvriers pour qu’ils puissent s’acheter des autos Ford”. Un peu d’inégalité stimule. Trop stérilise.
Il faut aujourd’hui pousser le raisonnement plus loin. Depuis deux siècles, l’innovation et la prospérité économique, sa fille, sont apparues dans les régions du monde où les droits de l’Homme étaient, même approximativement, respectés. C’est bien compréhensible. L’innovateur dérange. Il ose faire mieux et moins cher que ceux qui dominent le marché. Dès lors, tout est mis en œuvre par les puissants pour l’empêcher de réussir. Sans protection, c’est à dire sans une justice solide et indépendante, il est tué dans l’œuf. Or, si l’innovation est étouffée, il n’y a plus de progrès technique ni, à terme, de santé économique.
De nos jours, et plus encore à l’avenir, le maillage des communications favorise les petites unités. Depuis une vingtaine d’années, les grandes entreprises se délestent de leur personnel excédentaire. Les embauches viennent surtout des petites, même si, par habitude ou par conformisme, on fait comme si les emplois étaient toujours créés par les grandes. Partout, on manque d’employeurs plus que d’employés. Vous aurez donc à faire former des innovateurs et des créateurs d’entreprises par centaines de milliers.
Nous avons environ un employeur pour cinq actifs. En quelques années nous passerons à un pour quatre, soit un million d’employeurs de plus. Il faut donc enseigner la création d’entreprise dans le secondaire et aussi leur faciliter la tâche par la suite. L’accès aux infrastructures techniques dont ils ont besoin, telles que les moyens d’essai, de mesure, les recherches, la normalisation sont actuellement tout à fait insuffisants, alors que leur temps est mobilisé par des formalités juridiques ou fiscales faites par des bureaucraties pour des bureaucraties, sans rapport avec la réalité de leur métier.
A titre d’illustration, si vous constatez la survivance d’un impôt anti-économique aux effets pervers (le droit d’enregistrement, voire l’impôt sur les bénéfices), ne le diminuez pas, supprimez-le, et avec lui tout un paquet de formulaires. Par contre, n’hésitez pas à taxer ceux qui polluent ou menacent des ressources naturelles rares, en proportion des inconvénients qu’ils créent et jusqu’à les dissuader de continuer à nuire. D’autre part, mettez donc fin à la confusion selon laquelle les prestations sociales devraient être liées à l’emploi. Quand on porte secours à un malade, c’est par humanité et non parce qu’il a -ou avait- un emploi. Il n’y a donc aucune raison d’imputer les charges sociales, ni à l’employeur, ni à l’employé, d’autant que cela dissuade les entreprises d’embaucher et multiplie des formalités dont on pourrait se passer.
La séparation des pouvoirs est un point clef de l’évolution du monde moderne. On n’y voit d’habitude qu’un principe de bonne conscience qui ne saurait ébranler les âmes fortes et cyniques, les seules qui comptent dans cet univers impitoyable. C’est une illusion. L’émergence de l’innovation est une conséquence de l’indépendance du judiciaire, donc du respect des droits de l’Homme. La récente victoire des occidentaux sur le bloc communiste est aussi celle de la séparation des pouvoirs sur la confusion des pouvoirs. Et l’état de sous développement où se traînent encore de si nombreux pays trouve sa cause ultime dans les excès de pouvoirs locaux.
Or, depuis 1990, nous ne sommes plus dans un conflit planétaire entre le capitalisme et le communisme, mais dans un affrontement mondial entre le capitalisme légal et le capitalisme maffieux. Les principales atteintes aux droits de l’Homme étaient le fait de dictatures, qu’elles soient politiques ou religieuses ; elles seront désormais aussi le résultat d’agissements de type maffieux, tout aussi stérilisants pour l’économie. Je place dans ce registre, non seulement le crime organisé, mais toutes les formes de confiscation d’un territoire économique ou technologique, y compris les verrouillages corporatistes et les chasses gardées d’entreprises dominantes. J’attends que vous luttiez avec la plus grande énergie contre ces forces de l’ombre, lutte dans laquelle vous n’aurez pas trop du soutien des magistrats courageux, des policiers intègres et des députés énergiques qui l’ont déjà commencée.
Je dois vous avertir que l’instrument dont votre gouvernement disposera pour faire face à cette situation difficile, dangereuse et complexe, à savoir l’Administration, est quelque peu vétuste. Vous aurez à la moderniser le plus vite possible. En outre, il y règne ici et là diverses complaisances pour les entreprises dominantes, les corporatismes, les chasses gardées et toutes sortes de situations acquises, permettant aux fonctionnaires de cultiver de bonnes relations propres à les intégrer dans la classe dirigeante. De telle sorte que, dans la lutte que mène l’innovateur contre les intérêts en place, les agents de l’État, qui devraient être les défenseurs du futur, restent le plus souvent du coté du passé.
S’y ajoute une sorte d’insouciance carriériste qui fait paraître naturelle l’osmose entre les fonctions de contrôle et les organisations contrôlées. On en arrive même, sans que personne ne s’en indigne, à ce que le Conseil d’État et la Cour des comptes, qui sont des magistratures, trouvent normal que leurs agents fassent carrière dans la banque ou la politique, alors qu’ils avaient été embauchés pour contrôler et réprimer les abus de pouvoir et les turpitudes financières et politiques. De la confusion des rôles qui en résulte découle une loi du silence, l’« omertena », et des pratiques profondément contraires à la séparation des pouvoirs, c’est à dire aux droits de l’Homme. Pour mettre fin à ces abus, vous aurez à déployer beaucoup d’habileté et de ténacité. Ne vous découragez pas. Il faut absolument que, dans cette classe dirigeante qui se croit tout permis, l’ordre soit rétabli.
Car, pour aborder le 21e siècle prochain, nous avons besoin d’une France en état de marche, où chacun soit à sa place. Il nous faut des enseignants qui enseignent, des chercheurs qui cherchent (et qui trouvent), des entrepreneurs qui entreprennent, des fonctionnaires qui fonctionnent.
Je souhaite que vous me rendiez compte à mi parcours, c’est à dire dans trois ans et demi, avant d’aborder la dernière année du siècle, des résultats que vous aurez obtenus. Vous utiliserez à cet effet, non pas les anciens indicateurs des économistes, mais des mesures plus pertinentes répondant aux préoccupations actuelles. Pour l’Enseignement, vous ferez évaluer ce qu’il apporte d’utile à la vie de tous les élèves, et non plus les performances de quelques uns aux concours factices des grandes écoles. Pour la Recherche, vous ferez mettre en regard les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus, particulièrement les inventions et les créations. Vous ferez mesurer le taux de natalité des entreprises nouvelles et le taux de mortalité des formalités inutiles. Vous ferez évaluer le véritable nombre des exclus et surveiller sa variation. Enfin, pour mesurer l’évolution de la qualité de vie réelle, vous utiliserez, non pas le “Produit Intérieur Brut”, mais un indicateur moderne de “bien être économique durable” tel que ceux que les Nations Unies ont récemment aidé à développer.
Mes vœux et mes espoirs vous accompagnent, Monsieur le Président, car vos succès -et vos échecs- seront aussi les miens. Avec mes plus vifs encouragements, acceptez l’expression de mes sentiments les meilleurs.
p/ un citoyen
T. G.